QUE SONT DEVENUS LES MYTHES EDUCATIFS DE L’AFRIQUE NOIRE APRES LES ANNEES 90 ?
Posté par Isso le 24 décembre 2007
Thomas Sankara ou la dignité de l’Afrique
Assassiné lors d’un coup d’Etat le 15 octobre 1987, Thomas Sankara est une figure du panafricanisme et du tiers-mondisme. La pensée et l’action de l’ancien président burkinabé, réputé pour sa probité, annoncent l’altermondialisme. C’est pourquoi les commémorations qui ont lieu dans le monde (1), en dépit de certaines pressions, soulignent l’universalité de son héritage politique. Anti-impérialiste, Sankara avait rendu hommage à Ernesto Che Guevera, exécuté en 1967, dont des carnets inédits, enfin publiés, éclairent la pensée (lire « Le socialisme selon Che Guevara »). « Notre révolution n’aura de valeur que si, en regardant derrière nous, en regardant à nos côtés et en regardant devant nous, nous pouvons dire que les Burkinabés sont, grâce à elle, un peu plus heureux. Parce qu’ils ont de l’eau saine à boire, parce qu’ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu’ils ont une santé resplendissante, parce qu’ils ont l’éducation, parce qu’ils ont des logements décents, parce qu’ils sont mieux vêtus, parce qu’ils ont droit aux loisirs ; parce qu’ils ont l’occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité. (…) La révolution, c’est le bonheur. Sans le bonheur, nous ne pouvons pas parler de succès (1). » C’est ainsi que Thomas Sankara, président du Burkina Faso, définissait le sens de son action, treize jours avant le coup d’Etat du 15 octobre 1987 au cours duquel il devait être assassiné.
Largement méconnu hors du continent noir, Sankara demeure dans bien des mémoires africaines. Aux yeux de beaucoup, il était celui qui disait la vérité, qui vivait proche de son peuple, qui luttait contre la corruption, qui redonnait l’espoir de voir l’Afrique retrouver sa dignité. Mais il était plus que cela encore : un stratège politique, un président créatif et énergique qui s’était engagé jusqu’au sacrifice suprême, une voix qui porta haut et fort les revendications du tiers-monde (2).
Sankara est né le 21 décembre 1949 dans ce qui s’appelait alors la Haute-Volta, une colonie française qui obtiendra son indépendance en 1960. A l’école, Sankara côtoie les fils de colons et découvre l’injustice. Il sert la messe mais refuse in extremis d’entrer au séminaire. C’est paradoxalement au prytanée militaire du Kadiogo qu’il va s’ouvrir à la politique au contact d’un enseignant marxiste, militant du Parti africain de l’indépendance (PAI). A l’école militaire interafricaine d’Anstirabé, à Madagascar, le jeune officier apprend aussi la sociologie, les sciences politiques, l’économie politique, le français, les « sciences agricoles ». C’est sur la Grande Ile, où il assiste en 1972 à la révolution qui renverse le régime néocolonialiste de Philibert Tsiranana, que naissent ses idées en faveur d’une « révolution démocratique et populaire ».
Une génération modernisatrice En 1974, lors de la guerre avec le Mali, il se fait remarquer par un exploit militaire. Puis crée, avec d’autres officiers (il est capitaine), une organisation clandestine. Il se rapproche de militants d’extrême gauche, lit beaucoup sur de nombreux sujets, questionne, approfondit, prend goût au débat politique. Depuis son indépendance, la Haute-Volta, petit pays enclavé d’Afrique de l’Ouest, connaît une alternance de périodes d’exception et de démocratie parlementaire. C’est l’unique Etat de la région à élire un président au second tour, le général Aboubacar Sangoulé Lamizana, en 1978. Celui-ci gère le pays de manière paternaliste. A gauche, seul le parti de l’historien Joseph Ki-Zerbo, le Front populaire voltaïque (FPV), participe aux élections, parfois aussi au pouvoir, tout en étant implanté dans les syndicats.
Se complaisant dans les joutes parlementaires, les politiciens se coupent de la réalité du pays et de ses forces vives, notamment la petite bourgeoisie urbaine très politisée. Des scandales financiers déconsidèrent les officiers supérieurs au pouvoir. Au sein de l’armée, une jeune génération ambitieuse et désireuse de modernisation s’oppose à des cadres plus âgés, moins éduqués.
Après une succession de grèves dans tout le pays, un premier coup d’Etat militaire reçoit, en novembre 1980, l’appui de l’opposition légale, dont celui du FPV. Mais le nouveau régime, qui bénéficie pourtant d’une certaine popularité, va se montrer répressif, poussant des dirigeants syndicaux à la clandestinité. Des officiers sont mêlés à des scandales. Secrétaire d’Etat à l’information, Sankara démissionne en direct à la télévision, prononçant cette phrase restée célèbre : « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! »
C’est une nouvelle fraction de l’armée qui se voit déconsidérée, de même que le parti de Ki-Zerbo. Un second coup d’Etat a lieu en novembre 1982. Le clivage va alors se faire sentir entre ceux qui souhaitent la continuité institutionnelle et les officiers révolutionnaires regroupés autour du capitaine Sankara. Nommé premier ministre, celui-ci en profite pour exacerber les contradictions au cours de réunions publiques où il dénonce les « ennemis du peuple » et l’« impérialisme ».
Alors que M. Guy Penne, conseiller aux affaires africaines de François Mitterrand, atterrit à Ouagadougou, capitale du pays, Sankara est arrêté, le 17 mai 1983. Les organisations de gauche clandestines, le PAI et l’Union des luttes communistes reconstruite (ULC-R) manifestent pour demander sa libération. Il a su se faire respecter, non sans mal, par des organisations civiles qui se méfient des militaires, mais aussi par les militaires, qui reconnaissent en lui l’un des leurs, un soldat fier de l’être. Sankara libéré, toutes ces forces préparent ensemble la prise du pouvoir. Les commandos militaires de Po, dans le sud du Burkina Faso, dirigés par le capitaine Blaise Compaoré, montent sur la capitale le 4 août 1983 ; les employés des télécommunications coupent les lignes ; des civils attendent les soldats pour les guider dans la ville. Celle-ci tombe rapidement aux mains des révolutionnaires.
Devenu président, Sankara définit ainsi son objectif principal : « Refuser l’état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d’un immobilisme moyenâgeux ou d’une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir. Briser et reconstruire l’administration à travers une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un militaire n’est qu’un criminel en puissance (3). » Et la tâche est immense, la Haute-Volta est alors parmi les pays les plus pauvres du monde (4) : un taux de mortalité infantile estimé à 180 pour 1000, une espérance de vie se limitant à 40 ans, un taux d’analphabétisme allant jusqu’à 98 %, un taux de scolarisation de 16 %, et enfin un produit intérieur brut par tête de 53 356 francs CFA (soit à peine plus de 72 euros).
Sankara cache à peine ses influences marxistes. En revanche, ceux qui se pressent autour de lui sont souvent loin de partager ses références politiques. Il cherche surtout à s’entourer de gens compétents et motivés, et regroupe à la présidence près de cent cinquante collaborateurs minutieusement choisis, quelques idéologues, mais surtout les meilleurs cadres du pays. Les projets ne cessent de fuser tandis qu’il impose en permanence des délais d’étude de faisabilité jugés souvent… irréalisables.
La révolution s’entend pour lui comme l’amélioration concrète des conditions de vie de la population. C’est la rupture dans tous les domaines : transformation de l’administration ; redistribution des richesses ; libération de la femme ; responsabilisation et mobilisation de la jeunesse ; mise à l’écart de la chefferie traditionnelle, jugée responsable du retard des campagnes ; tentative de faire des paysans une classe sociale révolutionnaire ; réforme de l’armée pour la mettre au service du peuple en lui assignant aussi des tâches de production ; décentralisation et recherche d’une démocratie directe à travers les comités de défense de la révolution (CDR) chargés de la mettre en œuvre localement ; lutte sans merci contre la corruption ; etc. Le 4 août 1984, la Haute-Volta est symboliquement rebaptisée Burkina Faso, le « pays des hommes intègres ».
Le Conseil national de la révolution (CNR) (5) lance le plan populaire de développement (PPD) : les provinces déterminent leurs objectifs et doivent se doter des moyens nécessaires pour les atteindre. Sankara en résume ainsi la philosophie : « Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même, à comprendre que, finalement, il peut s’asseoir et écrire son développement ; il peut s’asseoir et écrire son bonheur ; il peut dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour ce bonheur (6). »
Précurseur en matière d’écologie Le CNR pratique l’autoajustement : les dépenses de fonctionnement diminuent au profit de l’investissement, les moyens sont rationalisés. Mais l’effort populaire d’investissement (EPI) se traduit par des ponctions sur les salaires de 5 % à 12 %, une mesure tempérée par la gratuité des loyers pendant un an. Une zone industrielle en friche est réhabilitée à Ouagadougou.
Il s’agit de promouvoir un développement économique autocentré pour ne pas dépendre de l’aide extérieure : « Ces aides alimentaires (…) qui installent dans nos esprits (…) ces réflexes de mendiant, d’assisté, nous n’en voulons vraiment plus ! Il faut produire, produire plus parce qu’il est normal que celui qui vous donne à manger vous dicte également ses volontés (7). »
Un mot d’ordre s’impose : « Produisons et consommons burkinabé ». Les importations de fruits et légumes ont été interdites pour inciter les commerçants à aller chercher la production dans le sud-ouest du pays. Difficilement accessible, cette région était délaissée au profit des marchés de la Côte d’Ivoire, reliée au Burkina par une route goudronnée. Des circuits de distribution sont mis en place avec le développement d’une chaîne nationale de magasins. En outre, via les CDR, les salariés peuvent acheter les produits nationaux sur leur lieu de travail. Les fonctionnaires sont ainsi incités à porter le Faso dan fani, l’habit traditionnel, fabriqué à l’aide de bandes de coton tissées de façon artisanale. Effet d’entraînement, de très nombreuses femmes se mettent à tisser dans la cour de leur maison, ce qui leur permet d’acquérir un revenu propre.
Sankara apparaît comme un précurseur en matière de défense de l’environnement. Non seulement il pointe les responsabilités humaines dans l’avancée du désert, mais il en tire aussi les conséquences. Dès avril 1985, le CNR lance les « trois luttes » : contre la coupe abusive du bois, accompagnée de campagnes de sensibilisation à l’utilisation du gaz ; contre les feux de brousse ; contre la divagation des animaux. Partout, les paysans construisent des retenues d’eau, souvent à mains nues, pendant que le gouvernement relance des projets de barrage. Sankara dénonce les insuffisances de l’aide de Paris, dont les entreprises sont les principales bénéficiaires des marchés de grands travaux.
Porte-parole du tiers-monde, Sankara critique l’ordre international. Les thèmes qu’il développe reçoivent un écho dans le mouvement altermondialiste d’aujourd’hui : les injustices de la mondialisation et du système financier international, l’omniprésence du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, le cercle vicieux de la dette des pays du tiers-monde. Pour Sankara, cette dette trouve son origine dans les « propositions alléchantes » des « assassins techniques » venus des institutions financières internationales. Elle est devenue un moyen de « reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers (8) ». Le Burkina Faso décidera d’ailleurs de ne pas signer de prêts avec le FMI, qui souhaitait imposer ses « conditionnalités ».
Révolutionnaire, Sankara n’en développe pas moins une réflexion sur la démocratie et sa traduction concrète par la mobilisation de toutes les composantes de la population. Ce qui implique l’émancipation des classes populaires et des femmes. « La démocratie est le peuple avec toutes ses potentialités et sa force, énonce-t-il. Le bulletin de vote et un appareil électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu’il existe une démocratie. Ceux qui organisent des élections de temps à autre, et ne se préoccupent du peuple qu’avant chaque acte électoral, n’ont pas un système réellement démocratique. (…) On ne peut concevoir la démocratie sans que le pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique, militaire, politique, le pouvoir social et culturel (9). »
Créés très rapidement après la prise du pouvoir le 4 août 1983, les CDR sont chargés d’exercer localement le pouvoir au nom du peuple. Ils assument de nombreuses responsabilités bien au-delà de la seule sécurité publique : formation politique, assainissement des quartiers, développement de la production et de la consommation des produits locaux, participation au contrôle budgétaire dans les ministères, etc. Ils rejettent même, après débats, plusieurs projets nationaux, comme celui de l’« école nouvelle », jugé trop radical. Mais les CDR sont aussi à l’origine de nombreux débordements et exactions. Ils servent de fer de lance contre les syndicats jugés dangereux puisque contrôlés par des organisations comme le PAI, entré dans l’opposition en août 1984, et le Parti communiste révolutionnaire voltaïque (PCRV). Sankara est le premier à dénoncer les excès et insuffisances des CDR, souvent dus aux querelles que se livrent les différentes organisations soutenant la révolution (10).
Ce président d’un type nouveau, dont tout le monde veut bien louer aujourd’hui le patriotisme et l’intégrité, l’engagement personnel et le désintéressement, était en 1987 devenu gênant. Sa lutte de plus en plus populaire contre le néocolonialisme menaçait le pouvoir des autres présidents, plus dociles, d’Afrique de l’Ouest, et plus généralement la place de la France sur le continent noir.
Le complot va se mettre en place implacablement. Second du régime, l’actuel président du Burkina Faso Blaise Compaoré s’en charge, avec le soutien probable de la France, de la Côte d’Ivoire et de la Libye. Selon Jeune Afrique (2 juin 1998), hebdomadaire désigné légataire des écrits de Jacques Foccart (11), « à cette époque numéro deux d’une révolution à laquelle il ne croit plus, de plus en plus proche d’Houphouët[-Boigny] grâce auquel il fit connaissance de sa future femme, le beau Blaise rencontra son homologue français [Jacques Chirac] alors premier ministre, via le président ivoirien, et Jacques Foccart, qui lui présenta l’état-major de la droite française, en particulier Charles Pasqua ».
Pour François-Xavier Verschave, il n’y a aucun doute : « [Mouammar] Kadhafi et la Françafrique multipliaient les causes communes. Cimentées par l’antiaméricanisme. Agrémentées d’intérêts bien compris. L’élimination du président burkinabé Thomas Sankara est sans doute le sacrifice fondateur. Foccart et l’entourage de Kadhafi convinrent en 1987 de remplacer un leader trop intègre et indépendant, au point d’en être agaçant, par un Blaise Compaoré infiniment mieux disposé à partager leurs desseins. L’Ivoirien Houphouët fut associé au complot (12). »
Le 15 octobre 1987, Sankara est assassiné. M. Compaoré lui succède, qui deviendra un fidèle exécutant des thèses libérales et le successeur de Félix Houphouët-Boigny en tant que meilleur allié de Paris dans la région. Son rôle stratégique dans la « françafrique » est illustré par la création récente de l’Association française d’amitié franco-burkinabé, présidée par M. Penne. On y retrouve M. Michel Roussin, ancien des services secrets, membre du Mouvement des entreprises de France (Medef) et numéro deux du groupe Bolloré en Afrique. Ancien ministre de la coopération de M. Edouard Balladur en 1993, il côtoie ses successeurs à ce poste : M. Jacques Godfrain, autrefois proche de Foccart ; M. Pierre-André Wiltzer, membre de l’Union pour la démocratie française (UDF) ; et le socialiste Charles Josselin.
L’arrivée de M. Compaoré à la tête du Burkina, en 1987, a eu des conséquences au-delà de ses frontières. L’alliance qui se fait jour via les réseaux « françafricains » mêle des personnalités politiques, des militaires ou des affairistes de Côte d’Ivoire, de France, de Libye et du Burkina Faso. Elle soutiendra M. Charles Taylor, responsable des effroyables guerres civiles qui se dérouleront au Liberia, puis en Sierra Leone, sur fond de trafic de diamants et d’armes (13). Aujourd’hui, après avoir abrité les militaires rebelles ivoiriens, M. Compaoré est présenté comme un homme de paix puisqu’il parraine la réconciliation des acteurs de la crise.
Tout a été fait pour effacer Sankara de la mémoire de son pays. Pourtant, il reste présent (disques et tradition orale, films, documentaires, livres) ; Internet ne fait qu’amplifier le phénomène. Enfin la Campagne internationale justice pour Thomas Sankara (CIJS) demande qu’une enquête soit officiellement ouverte sur l’assassinat de Sankara. Une recommandation historique du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui a donné raison en mars 2006, mais la procédure n’est pas terminée et Ouagadougou compte sur le caractère peu coercitif du droit international. Le CIJS maintient la pression en lançant une pétition (14).
De nouveaux horizons pourraient s’ouvrir. Une expérience révolutionnaire se renforce en Amérique latine ; le Venezuela multiplie les initiatives en direction de l’Afrique et reprend certains thèmes de la révolution sankariste, mais avec les moyens de son pétrole en plus. L’espoir doit revenir. Il sera d’autant plus fécond qu’on aura tiré les enseignements des réussites de la révolution burkinabé et des difficultés auxquelles elle a été confrontée.
Bruno Jaffré. (1)(www.sankara20ans.net),
La liberté se conquiert
Par Thomas Sankara(…) Il est nécessaire, il est urgent que nos cadres et nos travailleurs de la plume apprennent qu’il n’y a pas d’écriture innocente. En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d’hier et d’aujourd’hui le monopole de la pensée, de l’imagination et de la créativité.
Il faut avant qu’il ne soit trop tard – car il est déjà tard – que ces élites, ces hommes de l’Afrique, du tiers-monde, reviennent à eux-mêmes – c’est-à-dire à leur société, à la misère dont nous avons hérité – pour comprendre non seulement que la bataille pour une pensée au service des masses déshéritées n’est pas vaine, mais qu’ils ne peuvent devenir crédibles sur le plan international qu’en inventant réellement, c’est-à-dire en donnant de leurs peuples une image fidèle, une image qui leur permette de réaliser des changements profonds de la situation sociale et politique, susceptibles de nous arracher à la domination et à l’exploitation étrangères qui livrent nos Etats à la seule perspective de la faillite.
C’est ce que nous avons perçu, nous, peuple burkinabé (…). Il nous fallait donner un sens aux révoltes grondantes des masses urbaines désœuvrées, frustrées et fatiguées de voir circuler les limousines des élites aliénées qui se succédaient à la tête de l’Etat et qui ne leur offraient rien d’autre que les fausses solutions pensées et conçues par les cerveaux des autres. Il nous fallait donner une âme idéologique aux justes luttes de nos masses populaires mobilisées contre l’impérialisme monstrueux. (…)
Nous voudrions que notre parole s’élargisse à tous ceux qui souffrent dans leur chair. Tous ceux qui sont bafoués dans leur dignité par une minorité d’hommes ou par un système qui les écrase. (…) Je ne parle pas seulement au nom de mon Burkina Faso tant aimé, mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part.
Je parle au nom de ces millions d’êtres qui sont dans les ghettos parce qu’ils ont la peau noire ou qu’ils sont de cultures différentes, et qui bénéficient d’un statut à peine supérieur à celui d’un animal. (…) Je m’exclame au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis.
Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabé. En retour, nous donnons en partage à tous les pays l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil d’Etat et de la vie sociale au Burkina Faso. (…) Seule la lutte libère, et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.
Je parle au nom des mères de nos pays démunis qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe pour les sauver des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches. (…)
Je parle aussi au nom de l’enfant. L’enfant du pauvre qui a faim et qui louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riches. (…)
Je parle au nom des artistes – poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs –, hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations du show-business. Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge, pour ne pas subir les dures lois du chômage. Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage moderne. (…)
Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim. Militaire, je ne peux pas oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente, et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort. (…)
Notre révolution, au Burkina Faso, est ouverte aux malheurs de tous les peuples. Elle s’inspire aussi de toutes les expériences des hommes depuis le premier souffle de l’humanité. Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du tiers-monde. (…)
Ouverts à tous les vents de la volonté des peuples et de leurs révolutions, nous instruisant aussi de certains terribles échecs qui ont conduit à de tragiques manquements aux droits de l’homme, nous ne voulons conserver de chaque révolution que le noyau de pureté qui nous interdit de nous inféoder aux réalités des autres, même si par la pensée nous nous retrouvons dans une communauté d’intérêts. (…)
Il n’y a plus de duperie possible. Le nouvel ordre économique mondial pour lequel nous luttons et continuerons de lutter ne peut se réaliser que si nous parvenons à ruiner l’ancien ordre qui nous ignore, si nous imposons la place qui nous revient dans l’organisation politique du monde, si, prenant conscience de notre importance dans le monde, nous obtenons un droit de regard et de décision sur les mécanismes qui régissent le commerce, l’économie et la monnaie à l’échelle planétaire.
Le nouvel ordre économique international s’inscrit tout simplement à côté de tous les autres droits des peuples – droit à l’indépendance, au libre choix des formes et des structures de gouvernement – comme le droit au développement. Et comme tous les droits des peuples, il s’arrache dans la lutte et par la lutte des peuples. Il ne sera jamais le résultat d’un acte de générosité d’une puissance quelconque. (…)
J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu ici pour demander à chacun de vous que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison, pour que s’efface le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes (…).
Discours de Thomas Sankara devant l’Assemblée générale des Nations unies, le 4 octobre 1984. Extrait de Thomas Sankara parle. La révolution au Burkina Faso, 1983-1987, Pathfinder, 2007 (www.pathfinderpress.com, livres.pathfinder@laposte.net). Femmes, Impérialisme, Tiers-monde, Afrique, Burkina
Sources :
monde diplomatique
africatime.com
Pourquoi SANKARA a été assassiné ?
Réflexion proposée par Ouékouri A.
15 octobre 1987, le malheur allait frapper encore une fois l’Afrique. Un de ses dignes fils venait de s’écrouler devant l’ennemi dans son combat pour la liberté, le développement. Thomas SANKARA est mort ! Mais pourquoi ?
Pour que ce genre de crimes ne se reproduise plus, nous devons de chercher les vraies causes de l’assassinat de cet Espoir africain.
Les raisons évoquées jusque là s’articulent autour de la trahison des amis et frères d’armes d’hier, manipulés par l’impérialisme. Cependant, la principale à mon sens, est que ses alliés ignoraient ce qu’était la révolution. SANKARA est mort parce que ses amis ne voyaient pas la pertinence de ses actes, le sens de son combat, de son sacrifice. SANKARA a été assassiné car il semblait être le seul à savoir et à comprendre ce qu’il faisait. SANKARA a été assassiné car il était entouré de personnes qui suivaient un phénomène de « mode ». Si les frères d’armes de Thom SANK étaient convaincus qu’en prenant le pouvoir un certain 04 août 1983, le régime qu’il fallait pour le Burkina était la révolution, ils allaient comprendre comme le disait SANKARA dans ses discours, que l’impérialiste allait essayer d’infiltrer le groupe. Ils allaient comprendre que le 15 octobre 1987 ne devait pas exister. Mais il y en a qui étaient habitués ou, qui voulaient goûter aux véhicules de luxe, aux voyages en première classe et à la caisse noire. Répondant à une question d’un journaliste de savoir s’il se sentait isolé en Afrique (les dirigeants) SANKARA répondit « mal compris, mal aimé ».
Oui SANKARA a été mal compris par ceux qui ne voulaient pas le comprendre, comprendre sa révolution. Mais comme un cycliste grimpant une pente raide, il était obligé de continuer.
SANKARA est mort physiquement mais ses idées restent et sont vivantes ! Il revient aux nouveaux « SANKARA » de se les approprier, de les améliorer pour poursuivre le combat pour une nouvelle Afrique !
L’encombrant héritage de Thomas Sankara
Source : Le monde diplomatique
Minutieusement planifié, le coup d’Etat du 15 octobre dernier au Burkina Faso n’a laissé aucune chance au président Thomas Sankara. Le nouvel homme fort, le capitaine Blaise Compaoré a clos ainsi de manière sanglante, la première expérience « nationaliste et révolutionnaire » menée dans ce pays très pauvre, depuis août 1983, par une génération de « cadets » de l’armée. Le Burkina Faso entre sans doute dans une période d’instabilité. Les ressentiments et les sourdes luttes intérieures prendront-ils le pas sur les indispensables projets de développement ?
Par Pascal Labazée
En quatre ans de pouvoir, le président du Conseil national de la révolution (CNR) avait su redéfinir la somme du possible et du pensable par laquelle le développement d’un pays comptant parmi les plus démunis du monde pouvait être envisagé. Au moment où s’essoufflaient les idéologies de la « malédiction » et celles de la « négritude », où les recettes du FMI et les bonnes intentions du plan de Lagos s’érigeaient en mythes de rechange, Thomas Sankara rappela à l’ensemble du continent africain – et singulièrement à sa jeunesse – que le déficit vivrier, le sous-développement manufacturier et la dépendance ne pourraient trouver d’issue sans l’intégration des habituels exclus du jeu social : les paysans, les femmes, les ruraux prolétarisés. Le charisme du « camarade-président » tenait dans cette révolte de la pensée, plus pragmatique que son discours d’orientation politique (DOP) du 2 octobre 1983 ne le laissait supposer, et qui constitua quatre ans durant un nécessaire point de passage de la réflexion, y compris pour ceux qu’elle ne ménageait pas (1).
Le projet politique, et plus encore le rythme de son application, a suscité des réserves parmi les salariés urbains et les opérateurs économiques, sommés de consacrer au développement rural une part importante de leurs ressources et de leur temps (2). De plus, les comités de défense de la révolution (CDR), implantés dans les villages, détenaient de larges pouvoirs administratifs, économiques (depuis août 1985, une réorganisation foncière leur donne un rôle-clé en matière de gestion des terres) et judiciaires (les responsables des CDR siègent aux tribunaux de conciliation chargés de juger « tout comportement antisocial » ) : cette évolution a heurté de front la puissante chefferie traditionnelle, notamment en pays mossi (3), contestée tant dans son autorité que dans les valeurs qu’elle incarne. Le soutien de la paysannerie devait, à terme, marginaliser ces oppositions et assurer le régime d’une assise populaire. Or la mise en scène de sa mobilisation au sein de réunions organisées par les comités et, plus récemment, dans l’Union nationale des paysans du Burkina (4) n’a jamais signifié son adhésion aux objectifs de la révolution. La faiblesse de l’expérience révolutionnaire fut d’abord celle du renversement des alliances sociales.
Le tragique coup d’Etat du 15 octobre révèle en outre que les quatre principaux dirigeants militaires du CNR n’ont pas réussi à porter les débats d’orientation au-delà de la sphère étroite du Conseil et des groupes politiques qui s’y trouvaient représentés (5). Dès l’origine, les CDR ont été conçus comme une instance d’exécution des décisions, un instrument plus ou moins maîtrisé de mobilisation. D’autres organisations de masse – l’Union des femmes du Burkina (UFB), une organisation de jeunesse et l’Union des anciens du Burkina (UNAB) – sont venues compléter la trame du contrôle social sans qu’il en résultât une réelle décentralisation du débat politique. Le coup d’Etat, habituelle figure du changement politique au Burkina, dont l’exécution s’était jusqu’à présent déroulée de façon pacifique, était l’issue prévisible des conflits ouverts qui traversaient depuis six mois l’instance suprême du pays.
Contre les fléaux de l’agriculture
Incontestablement, l’acquis principal de la révolution d’août 1983 réside dans la restauration, certes fragile, des conditions de production agricole. Les actions ont privilégié la maîtrise de l’eau et l’aménagement des terroirs. Jusqu’en décembre 1985, près de huit mille chantiers ont ainsi couvert le pays, les taux de réalisation les plus élevés concernant ceux que la paysannerie avait elle-même définis et gérés. La conjonction d’un ambitieux Plan quinquennal engagé en 1986 (6) et d’une saison des pluies enfin abondantes avait permis de rompre avec le déficit vivrier structurel : un excédent de 20 000 tonnes de céréales fut dégagé pendant la campagne 1986-1987. Les cultures commerciales ont aussi bénéficié de la progression des rendements et des surfaces : la production cotonnière, principale recette d’exportation du pays, atteignait 150 000 tonnes en 1987, soit un doublement par rapport à 1983. Il revient en outre au CNR d’avoir courageusement engagé la lutte contre les trois fléaux de l’agriculture burkinabé – la coupe abusive du bois, les feux de brousse, la divagation du cheptel, – heurtant ainsi des pratiques profondément ancrées dans la paysannerie, au moment même où les dirigeants recherchaient son appui. Un tel programme n’était envisageable qu’à la double condition d’une compression du coût des travaux et d’un renversement des flux financiers entre villes et campagnes. De ce point de vue, la participation des organisations non gouvernementales (soixante-dix travaillent régulièrement dans le pays) et la coordination de leurs activités dans un « bureau de suivi » ont facilité la compression des charges d’exécution des projets en mettant l’accent sur des microréalisations à technologie légère. Leur participation au développement (20 milliards de francs CFA d’investissements en 1985, 34 milliards prévus sur la période 1986-1990) intervient d’ailleurs dans un contexte de désengagement de l’assistance financière internationale (- 25% de 1982 à 1985) et particulièrement de l’aide bilatérale française (de 88 à 19 millions de dollars entre ces deux dates). Quant au renversement des termes d’échange entre villes et campagnes, il reposa d’abord sur un net relèvement du prix d’achat des produits agricoles. Cette mesure, qui entraîna une baisse du pouvoir d’achat des salariés, était destinée à inciter les ruraux à accroître leur production et à accéder au marché des intrants (on peut rappeler que, selon la FAO, 15 % à 30% des récoltes sont détruites chaque année faute d’une protection efficace des stocks vivriers).
« Consommons burkinabé ! »
La recommandation du discours présidentiel du 4 août 1986 a surpris, concernant un Etat enclavé dont la dépendance externe s’est régulièrement accentuée depuis l’indépendance. Une stratégie d’autarcie partielle était pourtant esquissée, dont la valeur symbolique ne manqua pas d’indisposer les partenaires de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest (CEAO), notamment la Côte-d’Ivoire et le Mali. L’interdiction des importations de fruits, le relèvement de la taxe sur la bière et, récemment, l’obligation faite aux fonctionnaires de porter le faso dan fani – pagne en coton tissé localement, – furent les premières tentatives de création d’un marché local de substitution. Plus généralement, la révolution s’est accompagnée d’une gestion des grands équilibres financiers que, à bien des égards, le Fonds monétaire n’aurait pas reniée : stabilisation du service de la dette extérieure, rigueur dans l’administration d’un budget de 100 milliards de francs CFA dont l’équilibre, jusqu’en 1987, tenait à la compression des charges de fonctionnement et au relèvement de la pression fiscale urbaine (7). Enfin, le capitaine Sankara devait engager un difficile combat contre la corruption dans la fonction publique et parapublique. Dès 1984, des tribunaux populaires furent chargés d’instruire nombre de dossiers de détournements de fonds ; le dispositif de contrôle s’accentua lorsque, en 1986, une session budgétaire se consacra à l’étude de la gestion des entreprises d’Etat. En février 1987, une commission de « prévention contre la corruption » étendit ses investigations à « toute personne appelée à des fonctions de responsabilité » et commença à disséquer le patrimoine des dirigeants du CNR. De plus, le traditionnel turn-over gouvernemental et la réduction du train de vie des hauts fonctionnaires ont contribué à rompre avec l’usage, développé par les trois premières républiques, des rentes de situation ministérielle. Si la crédibilité des autorités est sortie renforcée de ces opérations, il est néanmoins incontestable que des rancoeurs personnelles, nées parmi plusieurs centaines de fonctionnaires, ont ici trouvé leurs racines.
Le modèle « sankariste » de développement n’a pourtant pas endigué la montée de deux formes de résistance sur lesquelles ont cru pouvoir s’appuyer les auteurs du coup d’Etat du 15 octobre. D’une part, le rythme des réformes a multiplié les mécontentements bien au-delà de l’étroite sphère urbaine ; à partir de 1985, des formes passives et non organisées d’opposition aux contraintes sociales sont apparues. D’autre part, les puissantes confédérations syndicales et les groupes politiques ont vu, dans ces mécontentements, l’occasion d’affirmer leur audience. Le président semblait conscient des difficultés économiques et de la progressive dissolution de son assise politique. Prononcé le 4 août 1987, le discours de l’An V évoquait, en effet, l’indispensable « unité des révolutionnaires » et la pause « dont nous avons besoin pour consacrer nos efforts aux tâches d’organisation politique ». Le premier front de mécontentement s’est constitué en milieu urbain. La réduction du pouvoir d’achat des salaires (- 30 % par rapport à 1982), la récession commerciale et manufacturière (fin 1985, quarante-huit des soixante-sept établissements d’envergure nationale connaissaient de graves difficultés financières) et le discrédit des CDR où l’opportunisme politique était devenu le plus sûr moyen d’accéder aux postes de pouvoir ont accéléré la démobilisation. La présence des salariés aux réunions politiques, aux entraînements sportifs obligatoires et aux travaux d’intérêt collectif se faisait moins assidue. Plus grave pour le suivi des opérations de développement fut l’expatriation d’intellectuels, de cadres et de techniciens attirés par l’écart entre les salaires burkinabés et ceux des Etats limitrophes.
Exacerbation des contradictions
Mais les paysans, pourtant prompts à se mobiliser sur des projets coïncidant avec leur stratégie de survie, ont eux-mêmes réagi aux diverses tentatives de contrôle social d’un pouvoir qui s’est obstiné à voir en eux une composante « économiquement et culturellement arriérée » de la petite bourgeoisie. Dans une large mesure, la paysannerie a su intégrer l’institution des CDR à ses pratiques sociales : les représentants des comités ont été choisis parmi les fils des chefs coutumiers, tandis que les militants les plus avisés, redoutant les armes de la tradition (8), ont préféré le compromis à l’épreuve de force. La réforme foncière d’août 1985, qui devait révolutionner le mode de gestion des terroirs, est aussi restée lettre morte. Faute de correspondre à la diversité des contraintes régionales – litiges entre communautés autochtones et migrants mossis dans l’Ouest, fragilité des équilibres fonciers dans la région surpeuplée du plateau mossi, – les CDR ne se sont guère pressés d’intervenir dans l’administration des surfaces cultivées. De même, les formes étatiques, supposées supérieures, d’organisation de la production au sein des grands projets d’aménagement rural du Sourou et de Douna ont créé un lourd contentieux entre les autorités et les populations concernées, attachées aux parcelles familiales. Ultime revers de la politique agricole : faute de moyens de stockage, d’infrastructures commerciales et, plus encore, de débouchés solvables, les surplus de production des années 1986 et 1987 n’ont pu être écoulés. La mévente du karité, des mangues et même des produits céréaliers a stimulé un circuit commercial spéculatif et passablement découragé les agriculteurs. Certes, par deux fois, le capitaine Sankara a tenté de construire une médiation entre le pouvoir et la paysannerie. La création de l’Union des anciens de Burkina en février 1986, outre qu’elle permit de jeter un pont en direction de deux anciens présidents restés populaires, MM. Maurice Yaméogo et Sangoulé Lamizana, nommés membres d’honneur, donnait à la gérontocratie une reconnaissance implicite. Plus récemment, la formation d’une Union des paysans venait compléter l’ouverture. Il reste qu’aucune de ces organisations ne détenait de réels pouvoirs et qu’elles apparurent plus comme des tentatives de contrôle que comme des instances de dialogue. Enfin, un troisième front de mécontentement, à la fois économique et idéologique, s’est formé dans les milieux du négoce, dont l’influence sur la communauté islamique (40 % de la population) est prépondérante. D’une part, le contentieux économique s’est alourdi depuis un an : la contraction des débouchés intérieurs et le relèvement de l’impôt sur les transactions (+ 38 % prévus au budget 1987), la mise en place d’une « police économique de distribution », formaient autant de griefs pour un secteur dont la spéculation est la base fondamentale d’accumulation (9). En outre, le CNR décidait, il y a cinq mois, de mener campagne contre la consommation de noix de kola, dont la commercialisation assure l’assise financière des réseaux importateurs dioula et yarsé. D’autre part, les mesures d’interdiction de la mendicité, et plus encore le projet de code de la famille prévoyant, au détour de 984 articles, l’obligation de la monogamie et l’égalité des descendants en matière d’héritage, sont venus raviver les blessures des premières heures de la révolution, où les représentants de l’islam étaient rangés parmi les « ennemis du peuple ». L’ampleur de la crise devait apparaître, en décembre 1985, lorsque la bande frontalière de l’Agacher fut l’objet d’un conflit armé entre le Mali et le Burkina. La « guerre de Noël » révéla la précarité des alliances passées avec les Etats frères. En particulier, l’Algérie et le Ghana se contentèrent de vagues appels au calme, excluant tout soutien direct au Burkina. De plus, l’ouverture par les forces armées maliennes d’un front proche de Bobo-Dioulasso visait à radicaliser les oppositions diffuses des populations islamisées de l’Ouest burkinabé, sur lesquelles les CDR n’ont jamais eu de réelle emprise. Le conflit militaire posait finalement une question relative à l’avenir même de la révolution : quel soutien espérer d’une paysannerie restée méfiante, et d’une petite bourgeoisie urbaine lassée par l’austérité ?
Les résistances à la fois économiques, sociales, culturelles parmi la population ont été à l’origine des divergences d’analyse entre les responsables politiques. Elles ont amorcé le processus de désagrégation de l’ « unité des révolutionnaires » et l’accumulation des défiances dans le CNR à l’égard de son leader. Thomas Sankara a tenté d’y répondre en réorientant, au cours de l’année 1986, les structures de la mobilisation sociale. Dès avril, il essayait de reprendre en main les CDR, passablement discrédités, et dénonçait à leur première conférence les exactions commises par quelques « pillards » et « terroristes » contrôlant les comités de base. Les diverses unions de jeunes, de femmes, d’anciens et de paysans créées depuis lors devaient en outre resserrer la trame du contrôle social, tandis que la réhabilitation d’anciens dignitaires amorçait une relative décrispation politique. Enfin, une opération de recomposition des forces représentées dans le CNR fut tentée. En donnant son aval à la création de l’Union des communistes burkinabés (UCB), le président pensait à la fois s’assurer d’un relais politique capable d’intervenir hors des forces armées, et pondérer l’influence dans le CNR des groupes prochinois et pro-albanais. Las contours de cette organisation étaient du reste suffisamment imprécis pour que l’UCB apparaisse comme le premier jalon d’un regroupement de l’extrême gauche, au sein d’un parti unique dont elle aurait formé l’ossature. Le réveil du front syndical, muselé depuis 1984, devait pourtant entraîner la perte du contrôle de la situation par le président Sankara, tant sur le CNR que dans l’armée. A la veille du 1er mai 1987, alors que M. Fidèle Toé (ministre du travail) se félicitait d’avoir mis un terme au « rite du cahier des doléances » habituellement présenté par les « syndicats petits bourgeois », les quatre principales centrales, notamment la Confédération syndicale burkinabé (CSB) de M. Soumane Touré, présentaient leurs revendications dans l’unité et exigeaient un retour immédiat aux « libertés démocratiques ». Faisant suite à la plainte pour violation du droit syndical, déposée à Genève par la CSB, la démonstration de force des organisations de salariés fut suivie d’une vague de répression. Malgré les réticences d’une partie des responsables militaires – en particulier du capitaine Blaise Compaoré, – une trentaine de dirigeants syndicaux et de cadres de la LIPAD (10) étaient arrêtés. La fraction dure du CNR envisageait un temps l’exécution de M. Soumane Touré.
« Que l’armée se fonde dans le peuple »
L’épreuve de force avec les syndicats – et la création en Côte-d’Ivoire d’un Rassemblement voltaïque pour les libertés (RVL) regroupant divers opposants exilés, dont l’historien Joseph Ki Zerbo, – n’est certes pas la cause directe du coup d’Etat du 15 octobre. Mais elle a ouvert des lignes de fracture entre les dirigeants, et doublement isolé le président Sankara. D’une part, isolement dans le CNR : alors qu’il évinçait du gouvernement ceux qui avaient adopté une attitude modérée au cours de la crise syndicale (notamment MM. Valère Somé et Basile Guissou, leaders de l’ULC), le capitaine Sankara perdait progressivement le contrôle de l’UCB, sous la pression de responsables des CDR. D’autre part, isolement dans l’armée : plutôt favorables à une réelle pause sociale, préférant à la perspective d’un parti unique celle d’une pluralité d’expression à l’intérieur d’un « front », plusieurs responsables militaires, dont le capitaine Blaise Compaoré, avaient pris leurs distances par rapport aux orientations de Thomas Sankara. Le tassement du rythme des réunions du CNR, la multiplication des conflits en son sein comme au gouvernement – la veille du coup d’Etat, ce dernier devait entériner la nomination à la tête d’une force d’intervention d’élite de Vincent Sigué, dont les méthodes policières étaient violemment contestées, – témoignaient d’une radicalisation des oppositions personnelles, latentes depuis quelques mois. Il reste que les paysans, éternels « damnés de la terre » burkinabés, paraissent bien éloignés des byzantines querelles politiques, que le coup d’Etat du 15 octobre conclut dramatiquement. « Nous voulons que l’armée se fonde dans le peuple », souhaitait Thomas Sankara ; elle reste une fois encore maîtresse des destinées politiques du pays. La mort du président rompt cependant avec la tradition postcoloniale, solidement ancrée au Burkina, des coups d’Etat sans effusion de sang. Par ailleurs, l’enterrement de son corps à la sauvette rompt avec la tradition tout court, celle que partagent à la fois ses amis et ses détracteurs. Il est à craindre que le processus de « rectification » engagé par les nouveaux dirigeants n’ouvre une ère d’instabilité où les ressentiments compteront autant que les projets de développement.
Pascal Labazée.
Membre du conseil scientifique de la revue Politique africaine.
(1) Le 4 août 1983, un Conseil national de la révolution, dirigé par les capitaines Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo et par le commandant J.-B. Lingani, mettait fin à une courte expérience d’équilibre des forces au sein de l’armée voltaïque, menée par le Conseil de salut du peuple et dirigée par M. Jean-Baptiste Ouédraogo, cf. P. Labazée, « La voie étroite de la révolution au Burkina-Faso », Le Monde diplomatique, février 1985.
(2) Depuis mai 1987, chaque Burkinabé devait ainsi consacrer trois semaines par an à travailler sur les chantiers nationaux, dans le cadre du Service populaire de construction de la patrie (SPCP).
(3) Occupant le plateau central du Burkina, le pays mossi concentre 50 % des 7,5 millions de Burkinabés recensés en 1985. Sur l’influence de la chefferie mossi, voir C. Savonnet-Guyot, « Le prince et le naaba » in Politique africaine, n° 20, décembre 1985.
(4) En 1987, la commémoration du 4 août fut d’ailleurs l’occasion d’un premier symposium de l’UNPB, afin de marginaliser les revendications des confédérations syndicales.
(5) En mai 1986, était publiée la liste des quatre organisations membres du CNR : l’Organisation militaire révolutionnaire (OMR), dont les capitaines Sankara et Compaoré étaient les principaux dirigeants ; l’Union des luttes communistes (ULC) mouvement prochinois reconstruit en 1984 ; le Groupe des communistes burkinabés (GCB) issu de la scission d’un mouvement pro-albanais, le PCRB ; enfin, dernier venu des groupes politiques, l’Union des communistes burkinabés (UCB), contrôlée avec l’assentiment de Thomas Sankara par le secrétaire général des CDR, M. Pierre Ouédraogo.
(6) Ce plan prévoit un volume de 112 milliards de F CFA d’investissements annuels (soit + 60 % par rapport au rythme d’investissement de la période 1979-1984), affectés pour 85 % aux activités de production.
(7) La hausse des impôts directes devait atteindre + 13 % en 1987 ; une « opération commando » de récupération des impôts, menée en mai, avait du reste permis d’élever sensiblement le taux de recouvrement.
(8) La sorcellerie fut, entre autres, l’un des moyens de préserver l’ordre social. Cf. M. Duval, Un totalitarisme sans Etat, essai d’anthrologie politique à partir d’un village burkinabé, L’Harmattan, Paris, 1985.
(9) Cf. Pascal Labazée, Entreprises et Entrepreneurs du Burkina-Faso, Karthala, Paris, à paraître.
(10) Ligue patriotique pour le développement, organisation prosoviétique évincée en août 1984 du gouvernement, et dont M. Soumane Touré fait partie.
Édition imprimée — novembre 1987 — Page 15
Discours prononcé le 4 octobre 1984 à l’ONU.
« Permettez, vous qui m’écoutez, que je le dise : je ne parle pas seulement au nom de mon Burkina Faso tant aimé mais également au nom de tous ceux qui ont mal quelque part. Je parle au nom de ces millions d’êtres qui sont dans les ghettos parce qu’ils ont la peau noire, ou qu’ils sont de cultures différentes et qui bénéficient d’un statut à peine supérieur à celui d’un animal.
Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves, afin qu’ils n’aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s’enrichir en convolant en noces heureuses au contact d’autres cultures, y compris celle de l’envahisseur.
Je m’exclame au nom des chômeurs d’un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis.
Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les mâles. En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes suggestions du monde entier, nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabè. En retour, nous donnons en partage, à tous les pays, l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil d’Etat et de la vie sociale au Burkina Faso. Des femmes qui luttent et proclament avec nous, que l’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort.
Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère et nous en appelons à toutes nos sœurs de toutes les races pour qu’elles montent à l’assaut pour la conquête de leurs droits.
Je parle au nom des mères de nos pays démunis qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l’OMS et l’UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.
Je parle aussi au nom de l’enfant. L’enfant du pauvre qui a faim et louche furtivement vers l’abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une épaisse vitre. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier placé là par le père d’un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que présentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système.
Je parle au nom des artistes – poètes, peintres, sculpteurs, musiciens, acteurs – hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l’alchimie des prestidigitations du show-business.
Je crie au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge, pour ne pas subir les dures lois du chômage.
Je proteste au nom des sportifs du monde entier dont les muscles sont exploités par les systèmes politiques ou les négociants de l’esclavage moderne.
Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes.
C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim…
Je m’élève ici au nom de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération, réellement. Sur cette tribune beaucoup m’ont précédé, d’autres viendront après moi. Mais seuls quelques-uns feront la décision. Pourtant nous sommes officiellement présentés comme égaux. Eh bien, je me fais le porte-voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils peuvent se faire entendre. Oui, je veux donc parler au nom de tous les « laissés pour compte » parce que « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
Source : continentpremier.info
Thomas SANKARA, le capitaine immortel
Thomas Sankara est l’inventeur d’une révolution originale qui aura marqué l’histoire. A la tête du Burkina Faso, l’un des pays les plus pauvres du monde, le jeune capitaine a osé parler de valeurs authentiques, combattre la corruption au plan national, refuser des prêts de la Banque mondiale, qualifier d’impérialistes certaines pratiques dans les relations Nord-Sud. Toute sa philosophie et sa stratégie se résumaient à une valeur : la patrie ou la mort.
Vingt (20) ans après sa mort, Thomas Sankara est toujours dans les cœurs. Né en 1949, le jeune capitaine est arrivé au pouvoir le 4 août 1983. Elégant et éloquent, il aura marqué sa génération par son audace. Dès sa prise de pouvoir, il décide de décoloniser les mentalités en abandonnant le nom Haute-Volta du colonisateur pour un autre plus original, Burkina Faso. Une combinaison du mooré et du dioula signifiant le pays des Hommes intègres. “On ne décide pas de devenir chef de l’Etat, on décide d’en finir avec telle ou telle forme de brimade, d’exploitation, c’est tout. Vivre africains pour vivre libres et dignes”, disait-il.
Pour lui, les Africains doivent se libérer totalement du joug occidental en assurant une vision propre à eux. Lui et ses compagnons d’armes Henri Zongo, Boukary Jean-Baptiste Lingani, Blaise Compaoré… veulent à travers une révolution, redonner une chance à leur pays classé parmi les plus pauvres au monde. Ils mettent sur pied des comités de défense de la Révolution. Ils parlent de centralisme démocratique, masse laborieuse, lutte de classes. Les jeunes soldats puisent leur vocabulaire et solutions chez Marx, Lénine, Mao, Guévara. Dans la bibliothèque de Sankara, il y avait tous les classiques du marxisme-léninisme et le jeune capitaine reconnaît “qu’il a bu tout Lénine”, témoigne Sennen Andriamirado dans “Sankara le Rebelle”.
Thom Sank, comme ses fans l’appellent affectueusement a d’ailleurs rencontré des révolutionnaires et communistes de renom. Kim II Sung de la Corée du Nord en 1983. Ce dernier lui a offert un pistolet à crosse d’ivoire “qu’il ne quittait jamais” , selon Sennen. Le capitaine a aussi rencontré Jerry Rawling en février 1984, Kadhafi en février 1983 en tant que Premier ministre et en 1984, en qualité de président. En 1986, il a été reçu au Kremlin par Mikhaïl Gorbatchev. Ces rencontres ne sont pas fortuites. Thomas s’inspire de Rawling, le premier, selon lui, à avoir libéré les jeunes officiers et les hommes de troupes et les avoir placés devant leurs responsabilités. “Sank veut démocratiser l’armée”. Finie l’armée budgétivore. Désormais l’armée nationale populaire construira des écoles, des routes. Pour “Thom Sank”, un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance. Les populations, elles aussi, sont invitées à prendre leur destin en main en s’impliquant dans les projets et programmes.
La révolution à la Burkinabè
Tous les secteurs sont en marche. Sur le plan agricole, les Burkinabè sont invités à consommer burkinabè. En 1984, 400 tonnes de haricot vert ne purent être exportés. Le gouvernement mèna une campagne pour inviter les populations à consommer leurs propres productions. “Quand vous mangez le grain de mil, riz importés, c’est ça l’impérialisme”, soutenait Thom Sank. Il exhorte les populations à porter le Faso dan Fani tissé localement. Sur le plan hydraulique, 18 barrages sont construits en 1985 contre deux en moyenne avant la Révolution. Le taux de scolarisation passe de 16,5% à 24%. Au cours de la même période, il augmente le taux d’enseignants à 16%.
Les paysans “déœuvrés” sont alphabétisés dans dix langues. Les langues locales sont même introduites dans l’enseignement. Dans le secteur du logement, Sankara fait construire de nouvelles cités à la portée des populations. En matière de santé, il est question de l’opération “Un village, un poste de santé primaire”. Deux millions et demi de Burkinabè sont vaccinés. L’OMS félicite Sankara pour ses actions contre la polio, la rougeole et la méningite. L’environnement n’est pas en reste. En quinze (15) mois, dix millions d’arbres ont été plantés pour faire reculer le Sahel. Des aménagements de sites anti-érosifs sont mis en place avec les populations. Sankara prône également l’émancipation de la femme par l’instruction et un pouvoir économique. “C’est avec ces armes qu’elles pourront se libérer d’elles-mêmes” , soutien-t-il.
Sankara, l’incorruptible et l’éternel insoumis
Dans la mise en œuvre de son programme de développement, le jeune capitaine lutte contre toutes les formes de gaspillage et de corruption. Il a déjà donné l’exemple en reversant ses indemnités de mission après un séjour libyen alors qu’il était encore Premier ministre. Il s’est rendu à son premier conseil des ministres en 1981 à l’époque en bicyclette. Une fois président, il roulera en Renault 5. Thomas Sankara a aussi créé la radio en direct avec le CPS, au cours de laquelle tous les mardis soir, les populations peuvent interpeller personnellement les ministres, officiers… Il promet de chasser de l’administration et de l’armée les “fonctionnaires pourris”. Les Burkinabè retiendront aussi de lui les Tribunaux populaires de la Révolution (TPR) où les anciens dirigeants ont dû s’expliquer sur leur gestion antérieure. Le révolutionnaire a refusé des prêts de la Banque mondiale pour financer “des projets que son pays n’a pas choisis”. Parlant de la dette du Burkina, Thom Sank a demandé aux pays du Sud lors de son discours à l’OUA en 1987, de faire front pour ne pas la rembourser. “Si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence”.
Deux mois et demi après ce discours, il décède le 15 octobre de la même année. Sankara savait qu’il dérangeait. “Nous avons clairement conscience que nous dérangeons. La question est de savoir qui nous dérangeons : la minorité ou la majorité” ? Sankara a été perçu comme celui qui voulait faire perpétuer un nouvel ordre autre que celui qui prévalait en Afrique de l’Ouest. Il est accusé de s’inspirer par moments du “Livre vert” de Khadafi, alors que Sankara a dit au président libyen que “votre expérience nous intéresse mais nous voulons vivre la nôtre”, rapporte Sennen. Thom Sank a eu des relations difficiles avec certains de ses voisins. Toujours est-il que longtemps, poursuivra l’écrivain, le coup du complot d’un coup d’Etat fomenté par la lagune Ebrié fait bruit à Ouagadougou. En 1985 éclate “la deuxième guerre des pauvres” entre le Burkina Faso et le Mali suite à un différend frontalier. A force de parler sans détour, Sankara est clairement étiqueté comme un provocateur. Pour avoir décrié publiquement la politique française en Afrique, il a obligé le président François Mitterrand de passage au Burkina Faso a réempoché son discours initial d’où sa fameuse phrase : “Sankara parle un peut trop”. Parfois incompris par certains de ses proches et également par d’autres chefs d’Etat, Thom avait la fougue et l’envie de vite et bien faire. Il fonçait sans répit.
Thom le visionnaire
Son programme révolutionnaire inachevé est perçu par d’aucuns, comme celui d’un clairvoyant. N’est-ce pas lui qui a dit depuis 1986 que la perturbation impunie de la biosphère par les engins dégageant du gaz propagent des carnages ? Odile Tabner, présidente de “Survie” rapproche même le discours de Nicolas Sarkozy à l’ONU en septembre 2007 à celui prononcé le 4 octobre 1984 par le capitaine Thomas Sankara.
Le premier parle d’une réforme de l’ONU pour l’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui, alors que le second proposait que les structures des Nations unies soient repensées et que soit mis fin au scandale du droit de veto. “Sarko” estime qu’il faut poser et résoudre les problèmes du monde à l’échelle planétaire parce que personne ne peut se mettre seul à l’abri du réchauffement climatique, du choc des civilisations. “Sank” a une proposition “que tous les budgets de recherches spatiales soient amputés de 1/10-000e et consacrés à des recherches dans le domaine de la santé et à la reconstruction de l’environnement perturbé par les feux d’artifices nuisibles à l’écosystème”. Le président français a prévenu que les pauvres et les affamés se révolteront contre l’injustice qui leur est faite. Le capitaine avait demandé la lutte contre la misère en mettant fin à l’arme de la faim qui fait plus de victime que l’arme nucléaire.
Thom Sank, l’homme de “la dernière révolution africaine” pour emprunter le terme de Aziz Salmone Fall, coordinateur de la Compagne internationale “pour Sankara”, voulait d’un monde juste. Le capitaine croyait au changement comme N’Krumah, Cabral mais “tout comme Lumumba qui parlait de révolution de mentalité à son peuple qui vivait dans les arbres et comme tous ceux qui rêvent éveillés, Sankara se nourrit d’utopie”, constate Sennen. Sankara est donc parti à 37 ans comme Che Guevara qu’il admirait. Mais la jeunesse voit en lui le verve et l’énergie de l’espoir, la probité et le symbole de l’inaliénation.
La jeunesse africaine a proclamé 2007 “année Sankara” lors des deux fora sociaux de Bamako en 2006 et de Nairobi. Des ouvrages, des films, monuments portent son nom. En guise d’illustration, le lycée Thomas-Sankara à Brazzaville. La commémoration de sa disparition cette année sera marquée par diverses manifestations dont l’arrivée à Dakar et pour la première fois en Afrique, de la caravane “Thom Sank 2007” en provenance d’Amérique latine et d’Europe.
Hamadou TOURE
source : sidwaya.bf
Comment Sankara a tutoyé la mort
Manifestement, Thomas Sankara a eu très tôt la certitude qu’on allait le tuer. Les éléments de preuves se sont amoncelés à mesure que le jour du complot approchait. En interne, il a été régulièrement avisé par ses proches et n’en a jamais tenu compte, en tout cas pas devant eux. Mais dans la solitude, il déprimait parfois, confie un de ses amis maliens qui a été interviewé par Bruno jaffré, le biographe de Sankara, dans son livre à paraître bientôt. A l’extérieur aussi, ses amis se sont mobilisés pour le sauver en vain. Sankara avait-il décidé de se laisser abattre ? On est en tous les cas dans un scénario de tragédie que les révélations, surtout pendant cette commémoration du vingtième anniversaire de son assassinat, permettent de scénariser. Certes, il reste encore beaucoup de zones d’ombre. Mais il faut croire que le virage est amorcé. Dans les jours et semaines à venir, nous pourrons apprendre plus que nous n’en avons su pendant ces dernières années. Il est certainement très difficile d’écrire la tragédie. Mais on peut se la représenter à travers de petits récits, documentés, parfois anecdotiques, que nous avons pu recueillir des acteurs clés. Il faut cependant avoué que du côté des partisans de Blaise Compaoré, c’est pour l’essentiel, silence radio. Beaucoup étaient injoignables. Certains ont accepté opiner sur ce moment important de l’histoire de notre pays. Voici des témoignages inédits, dont certains n’étaient jusque-là pas connu du grand public.
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Anecdotique, ou pas, cette histoire de sésame, à elle seule, résume la tragédie du président Sankara. Un divin fait dire à Sankara qu’il y a un projet pour l’assassiner. Entre autres sacrifices qu’il lui prescrit, le sésame. Une céréale produite surtout dans la partie frontalière avec le Mali. Le haut commissaire de Banfora reçoit l’ordre d’acheter et d’acheminer le sésame en question à Ouagadougou. Le paquet se perd en route. Sankara, informé, apostrophe Valère Somé, en usant de l’autodérision : » tu vois, le sort est scellé, je te l’ai dit… « . Un autre témoignage, celui de la villa que les Ghanéens ont aménagé pour recevoir Sankara, quand il est devenu très évident à leurs yeux, que le complot était réel. L’ambassadeur du Ghana au Burkina Faso, en tandem avec son homologue Cubain à Ouaga, informe Sankara du projet, qui vise à l’assassiner. Ils transmettent à Sankara l’invitation de son homologue ghanéen à se retirer un temps à Accra, où une villa a été aménagée pour lui, le temps juste d’observer et de voir clair dans le jeu de son entourage. Un peu à l’image de la dérobade du général de Gaulle à Baden Baden. Sankara promet aux deux diplomates, qu’il va les rappeler incessamment. L’ambassadeur de Cuba restera toute la journée à son bureau attendant le coup de fil de Sankara qui ne viendra pas. Les sources citent comme témoin de cette entrevue, le représentant résident de l’UNICEF au Burkina Faso à cette époque M. Adotévi.
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Denis Sassous Nguesso, le président congolais, qui a eu les détails du projet d’assassinat de Sankara dépêche rapidement l’écrivain Seydou Badian, l’auteur de « Sous l’orage », pour l’informer à Ouagadougou et lui demander de prendre des dispositions. L’émissaire du président Sassou emprunte un vol régulier de Air Afrique qui fait escale à Abidjan le 15 Octobre 1987. Il devait continuer le lendemain sur Ouaga. C’est dans sa chambre d’hôtel, qu’il apprendra que le coup d’Etat a eu lieu et sankara est mort.
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Au Conseil des ministres du 7 octobre 1987, Thomas Sankara distribue aux ministres un extrait de la lettre du Che dans laquelle, il annonçait à Castro qu’il s’en allait et laissait sa famille et ses enfants à Cuba en étant sûr que la révolution cubaine en prendrait soin. Au Conseil des ministres du 14 octobre, celui qui a adopté le projet de création de la FIMAT, à la fin des travaux, Moussa Michel Tapsoba (l’actuel président de la CENI) interpelle Sankara sur la signification du texte de la lettre du Che. Sankara lui répond : « comprenne qui pourra… » et le camarade ministre de l’Eau revient à la charge en demandant est-ce que c’est révolutionnaire, quelqu’un qui quitte et abandonne comme ça sa famille ? Sankara lui répond encore : « comprenne qui pourra… «
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Le 15 Octobre 1987 à 16 heures, alors que le président Sankara se prépare à sortir de son bureau pour aller au Conseil pour le sport et la réunion avec son staff, il reçoit un coup de fil. C’était, expliquera-t-il à un témoin oculaire, un coup de fil d’une dame qui m’enjoigne de ne pas aller à ma rencontre, car ils veulent m’assassiner. Il s’y rendra. Et effectivement, il sera assassiné.
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Le père de Sankara explique comment il a connu définitivement Blaise Compaoré. Il était allé un jour rendre visite au général Bila Zagré, dont Blaise Compaoré était l’aide de camp. Arrivé sur les lieux, on le fait patienter avant d’être introduit chez le général. Dans l’attente, un jeune militaire frêle se lève sur sa chaise et lui dit : « papa venez prendre place ». Le père de Sankara vient s’asseoir et remercie chaleureusement ce jeune homme aux bonnes manières. Et Blaise de lui demander : « On dirait que vous ne me connaissez pas, papa ? » Et le père de Sankara de s’excuser et de demander à son interlocuteur de bien vouloir se présenter. Blaise Compaoré lui explique que c’est à lui que Thomas remet les mandats chaque fin de mois pour lui. Le père de Sankara s’excuse une fois de plus et promet qu’il ne se tromperait plus à l’avenir, après avoir bien dévisagé son interlocuteur.
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Le 9 octobre 1987, un soir, explique Fidèle Toé, alors ministre du Travail, j’appelle Thomas Sankara, mon ami d’enfance, pour lui demander si on pouvait se voir ? Sankara lui répond où ? Je propose chez moi, dit Fidèle Toé. Sankara réfléchit un instant et lui répond : « viens plutôt au palais de la présidence ». Quand Toé prend la route de la présidence, il trouve la sécurité présidentielle sur les dents. On l’oblige lui-même ministre à descendre de sa voiture de fonction et les mains en l’air. Après une fouille minutieuse, il est autorisé à aller voir Sankara. De cet incident, il n’en parlera pas à Sankara. Mais sur le chemin du retour, un autre ami du président, un musicien du nom de Vitnic, lui explique, qu’en fait, la sécurité présidentielle venait d’arrêter des intrus, militaires, qui affirmaient s’être trompés de chemin. La sécurité de Sankara était sur le-qui-vive depuis le 4 août 1987 à Bobo et après les évènements de Tenkodogo, où il était apparu qu’un projet de liquidation physique de Sankara était à l’œuvre. C’est pourquoi du reste, Sankara n’a pas attendu la fin des manifestations et a du regagner Ouaga.
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Le 13 octobre, une mission conduite par Jean Baptiste Lingani, en présence de Boukary le lion se rend à Accra, chez Rawlings. Au cours de cette rencontre, le président Rawlings rabroue particulièrement Jean Baptiste Lingani, en lui disant ceci : » la honte que vous projetez au Burkina, en voulant assassiner Thomas Sankara, sachez que cette honte ne sera pas seulement burkinabè, elle sera africaine. Et je pense que c’est vous le doyen, vous Jean Baptiste Lingani qui pouvez ramener les autres à la raison.. « . Quand le coup se produit, Rawlings est furieux. Il refuse dans un premier temps de donner suite aux sollicitations du nouveau pouvoir. Quand il consent à recevoir Blaise Compaoré, c’est à Tamalé, une ville du nord Ghana. Des sources ghanéennes disent qu’avant de recevoir Blaise Compaoré à Tamalé, Rawlings aurait proposé à Jean Baptiste Lingani, le deal suivant : « Dès qu’il arrive à Tamalé, je le fais enfermer et vous prenez le pouvoir à Ouagadougou…. » Mais Lingani aurait décliné l’offre, en promettant qu’ils allaient régler par eux-mêmes le problème. Selon un observateur, Lingani avait une vénération pour Blaise Compaoré. Tout commandant qu’il était, c’est lui qui le premier se mettait en garde à vous quand il apercevait Blaise Compaoré.
Ramata SORE
evenement-bf.net
Bibliographie de Thomas SANKARA
Issu d’une famille catholique, Thomas Sankara était un « Peul-Mossi ». Son père était un ancien combattant et prisonnier de guerre de la Seconde Guerre mondiale. Il a fait ses études secondaires au Lycée Ouézin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays. Il a suivi une formation d’officier à Madagascar et devint en 1976 commandant du centre de commando de Pô. La même année, il fait la connaissance de Blaise Compaoré avec lequel il formera le Regroupement des officiers communistes (ROC) dont les autres membres les plus connus sont Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary Lingani.
En septembre 1981, il devient secrétaire d’État à l’information dans le gouvernement du colonel Saye Zerbo. Il démissionnera le 21 avril 1982, déclarant « Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! »
Le 7 novembre 1982, un nouveau coup d’État portait au pouvoir le médecin militaire Jean-Baptiste Ouédraogo. Sankara devint premier ministre en janvier 1983, mais fut limogé et mis aux arrêts le 17 mai, après une visite de Guy Penne, conseiller de François Mitterrand.
Un nouveau coup d’État, le 4 août 1983 place Thomas Sankara à la présidence. Il définit son programme comme anti-impérialiste, en particulier dans son « Discours d’orientation politique », écrit par Valère Somé. Son gouvernement retira aux chefs traditionnels les pouvoirs féodaux qu’ils continuaient d’exercer. Il créa les CDR (Comités de défense de la révolution), qui eurent toutefois tendance à se comporter en milice révolutionnaire faisant parfois régner une terreur peu conforme aux objectifs de lutte contre la corruption.
Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara fut assassiné lors d’un coup d’État organisé par celui qui était considéré comme son frère, Blaise Compaoré. Plusieurs jours plus tard, il fut déclaré « décédé de mort naturelle » par un médecin militaire. L’absence de tout procès ou de toute enquête de la part du gouvernement burkinabè a été condamnée en 2006 par le Comité des droits de l’homme des Nations unies.
Depuis le 28 décembre 2005, une avenue de Ouagadougou porte son nom, dans le cadre plus général d’un processus de réhabilitation décrété en 2000 mais bloqué depuis lors.
Source : Wikipédia
Pour tout savoir sur Thomas SANKARA => www.thomassankara.net
1
QUE SONT DEVENUS LES MYTHES EDUCATIFS
DE L’AFRIQUE NOIRE APRES LES ANNEES 90 ?
RESUME
Une précédente recherche faite par Valléan (1989) avait constaté l’importances de l’imaginaire
social au sens de Ansart (1977) et particulièrement des mythes au sens de Barthes (1957) dans
les projets de réforme de l’éducation en Afrique noire dans les premières années après les
indépendances. Or, il y a eu le contexte de la mondialisation décrit comme étant un processus
qui gomme les spécificités.. La présente étude, à travers une analyse de contenu catégorielle
portant sur un texte relatif à la réforme de l’Université de Ouagadougou (MESSRS et CRDI,
1998) cherche à savoir si les gestionnaires de l’éducation burkinabè continuent de puiser leurs
inspirations dans l’imaginaire collectif local ou s’ils se focalisent uniquement sur les principes
de la mondialisation.
L’analyse du texte révèle qu’une part importante est attribuée à la mondialisation. Ce résultat
amène le chercheur à se demander si le Burkina gagne à se conformer de préférence aux
impératifs de la mondialisation comme le laisse penser le texte analysé cependant que la
Banque Mondiale (2000) elle-même invite les politiques à tenir compte de la localisation, cette
autre force contraire à la mondialisation.
MOTS CLEFS
Mythes. Analyse de contenu Réforme de l’éducation. Afrique noire. Burkina Faso. Efficacité
ABSTRACT
A research made by Vallean (1989) noted the importance of social imagery (Ansart, 1977) and
specially of the african myths (Barthes, 1957) in the projects of school reforms in Africa.
However, globalisation stands as a levelling process that suppresses all peculiarities. The
current research aims at describing whether the administrators of Burkina education are still
influenced by the local social imagery or whether they only rely on world principles. It is based
on a content analysis of a document reforming Ouagadougou University (MESSRS and CRDI,
1998). This analysis of the document reveals that people now depend on universal principles.
This leads to the following query : does the Burkina gain analysing in conforming to World
2
requirements as might be deduced from document we ? This question derives from the World
Banque’s suggestion that political leaders should take localisation into account as it stands as a
counter to globalisation (Banque Mondiale 2000).
KEY WORDS
Myth. Content analysis. Educational reform. Black Africa. Burkina Faso. Efficiency.
INTRODUCTION
Les années d’indépendance ont créé en Afrique noire beaucoup d’espoir en matière de
développement social, espoir maintenu jusqu’aux environs de 1975 selon le PNUD (1997 :.3).
L’éducation a été généralement considérée comme la clef principale de ce développement
social, surtout dans les années 60 (Coombs, 1985). A cause de cette importance qu’elle revêt
et du fait que l’éducation est en soi un projet, « l’éducation en Afrique s’est donné comme unterrain favorable au surgissement de l’imaginaire social » (Valléan, 1989) au sens de Ansart
(1977). Le présent travail vient à la suite d’une recherche de Valléan (1989) sur la place du
mythe (au sens de Barthes, 1957) dans les projets de réforme des systèmes éducatifs en
Afrique entre les indépendances et les années 80. Cette recherche avait conclu à l’importance
accordée aux mythes dans le discours sur l’Ecole Nouvelle telle que celle-ci était envisagée par
les responsables africains. Ces derniers puisaient dans le fond imaginaire commun les raisons et
les motivations de leurs projets d’éducation et de société. Mais ce fond imaginaire commun at-
il résisté à la pression de la mondialisation envahissante ainsi que cette mondialisation est
comprise par certains observateurs (Amin, 1996 ; MESSRS et CRDI, 1998 ; Hadjadj, 1998) ?
Sinon, que deviennent les mythes éducatifs de l’Afrique dans lesquels les réformes du système
éducatif burkinabè en particulier tiraient leurs principes directeurs ?
Pour répondre à ces questions, nous définirons d’abord le concept de mythe (pp 2-5) pour
poser ensuite le problème de la recherche (pp 5-7). La partie méthodologique définira ce qu’est
l’analyse de contenu catégorielle (pp 7-10) et la 4e partie livrera les résultats de l’analyse (pp
10-11). Ces résultats permettront une discussion (pp 11-15) à partir de laquelle on pourra
conclure (p. 15).
CADRE THEORIQUE
Qu’est que le mythe ?
3
En tant que concept le mythe fait partie de l’imaginaire social défini par Ansart (1977) comme
étant « l’ensemble des évidences implicites, des normes et des valeurs qui assurent lerenouvellement des rapports sociaux ». L’imaginaire social regroupe alors les idéologies, les
mythes, les utopies et les mystères (Ansart, 1977). Ces notions constituent des clefs disponibles
qui permettent à toute société de forger l’image qu’elle veut avoir d’elle-même et qu’elle veut
donner à voir aux autres. Cet imaginaire social a pris de l’importance dans les nations
anciennement colonisées d’Afrique, condamnées pour ainsi dire à s’affirmer face au reste du
monde et, en particulier, face à l’ancien colonisateur. Comme objet de connaissance, le mythe
fait partie de la sémiologie, ou science des signes, dont le problème central est la signification
(Barthes, 1957), c’est-à-dire « au sens large, interprétation attribuée à un signe quelconquedans un contexte donné » (Raynal et Rieunier, 1997). Or, dans tout système sémiologique, il y
a un rapport entre trois termes différents qui sont le signifiant, le signifié et le signe. Pour la
langue, considérée comme système sémiologique, les termes sont ainsi appréhendés :
Le signifiant est l’image acoustique, d’ordre psychique (tel le son [arbr] en français) sur lequel
un groupe de locuteurs d’une langue s’entend par convention pour lui donner un sens. Le
signifiant change d’une langue à une autre.
Le signifié est le concept de manière générale. Par exemple [arbr] est un concept en français
qui renvoie à plusieurs types d’arbres.
Le signe est le total associatif du signifiant et du signifié.
Or, pour Barthes (1957), le mythe est une parole (aspect individuel et actuel du langage) et un
langage (la faculté humaine de communiquer au moyen de signes) . Selon Barthes (1957), « on
entendra donc, ici désormais par langage, discours, parole, etc., toute unité ou toute
synthèse significative, qu’elle soit verbale ou visuelle ». Dans ce sens, tout ce qui est formepeut être investi par le mythe, comme « le discours écrit, mais aussi la photographie, le
cinéma, le reportage, le sport, les spectacles, la publicité, tout cela peut servir de support à la
parole mythique ». Ce sont autant de formes qui peuvent être saisies par le mythe en tant que
parole, sur le modèle tridimensionnel de la sémiologie et cela dès lors que le langage
linguistique (que Barthes appelle langage-objet) devient le point de départ d’une seconde
chaîne signifiante elle aussi tridimensionnelle. Le signe (terme final de la chaîne linguistique)
saisi par le mythe devient un nouveau signifiant , premier terme de la nouvelle chaîne (Barthes
le nomme forme).
4
Le second terme du mythe, correspondant du signifié linguistique, est appelé concept et ledernier signification. C’est cette parole ainsi reconstituée qui est la parole mythique et non pas
la forme qui porte le mythe. En d’autres termes, ce n’est pas l’objet du mythe qui le définit
comme mythe, c’est l’intention qui est toujours une déformation du signe linguistique
(unajout de sens
) (Barthes, 1957).De fait, tout objet, toute forme, est susceptible d’être récupéré
par le mythe. Il suffit que le mythe ajoute au sens propre un sens mythique. Le mythe qui
fonctionne en fait comme un second langage par rapport à celui de la langue est dit être un
métalangage (un langage sur le langage) par glissement de sens.
Fonctionnement du mythe
Comme métalangage, le mythe est déboîté par rapport au système de la langue comme le
montre le schéma ci-dessous. Il part du langage et le déforme. Le mythe vide le langage de son
sens immédiat et le remplit d’un sens médiat, qui en est un dérivé, un plus déformé, doublé. Le
mythe donne au langage un fonctionnement double qui lui permet d’avoir un jeu de cachecache
entre le sens premier et le sens second. C’est ce jeu de cache-cache, qui ne cache rien et
qui ne révèle rien non plus, qui définit le mythe. Ce fonctionnement transforme ce qui est
historique en ce qui est naturel, le mythe fait comme si les choses ont toujours été ainsi. Mircéa
(1957) dira que le mythe se contente de dire la nature des choses. Sa nature n’est jamais de
problématiser mais de constater, ni de nier mais d’affirmer et cette affirmation a valeur
d’explication. C’est ce qu’affirme Valabrega (1980) lorsqu’il écrit que tout mythe vise à une
explication du monde et est donc d’essence gnoséologique. Le mythe
agit comme un révélateur en remplaçant la complexité des actes par la simplicité des essences
sous forme de vérités entendues et de fausses évidences, de constats indiscutés et de pétitions
de principes, de tautologies circulaires et de phraséologie officielle que personne du reste ne
songe à questionner. En effet, qui ne serait d’accord qu’une femme est une femme ? Qui
refuserait que nos ancêtres furent de braves hommes ? Qui ne voit que les Blancs sont
différents des Noirs ? etc.
5
Sur ces fausses évidences ou ces vérités circulaires , la littérature noire par exemple a tenté, à
travers notamment le mouvement de la Négritude (entendu comme « la simple reconnaissancedu fait d’être noir », Kesteloot, 1992), de définir le noir en l’opposant au Blanc, le colonisé en
l’opposant au colonisateur (Hadjadj, 1998). Certains de ces écrivains noirs ont pour ainsi dire
peint des figures mythiques dans le but de les donner en exemple à leur peuple. Tel fut le cas de
Niane (1960) dans son livre « Soundjata ou l’épopée mandingue », oeuvre qui relate l’histoire
merveilleuse de « l’homme aux multiples noms contre lequel les sortilèges n’ont rien pu
», ouplus récemment, Ndao (1985) dans «
l’exil d’Albouri » (roi noir qui a régné au XIXe siècle au
Sénégal) qui déclare que « mon but est de créer des mythes qui galvanisent le peuple etportent en avant, dussé-je rendre l’histoire plus historique
». On le voit bien, il s’agit de
prélever dans l’imaginaire collectif, la force qui justifie l’action et qui y pousse. Car, écrit
Caillois (1978), « le mythe appartient par définition au collectif » et il « justifie, soutient et
inspire l’existence et l’action d’une communauté, d’un peuple, d’un corps de métier ou d’une
société secrète ».
1 signifiant
2 Signifié
3 Signe
I FORME
II CONCEPT
III
SIGNIFICATION
6
Le travail de Valléan (1989) a consisté à dépister et à analyser ces mythes dans les discours sur
les projets de réformes des systèmes éducatifs africains.
Dans la présente étude, ce sont également ces imageries collectives qu’il s’agit relever à travers
un texte portant sur la réforme de l’Université de Ouagadougou à la recherche de l’efficacité.
PROBLEMEL’objectif
de cette partie est de donner une vue rapide des recherches de solution aux
problèmes éducatifs africains à travers les grandes rencontres continentales, ce qui permettra
par la suite de poser clairement la question de la recherche.
Aux premières années après les indépendances, les pays africains étaient très optimistes par
rapport au devenir de leur école. Cet optimisme ressort à l’analyse des résultats de la première
Conférence des Ministres de l’Education des Etats membres d’Afrique (MINEDAF I) en mai
1961. Les objectifs communément fixés à l’éducation lors de cette Conférence prévoyaient en
effet, pour 1980-81, la scolarisation universelle au niveau du primaire, l’enseignement
secondaire dispensé à 30% des enfants ayant achevé leurs études primaires (soit 23% du
groupe d’âge) et l’enseignement supérieur dispensé à environ 20% des jeunes qui auront
terminé leurs études secondaires (soit 2% du groupe d’âge). Il était prévu également que le
pourcentage de revenu national réservé au financement de l’éducation passerait de 3 à 4%
entre 1961 et 1965 et à 6% entre 1965 et 1980 (UNESCO, 1961 ; UNESCO/BREDA, 1997).
Cette Conférence d’Addis Abeba fut donc celle de tous les espoirs.
Les deux conférences qui ont suivi celle de 1961 (celles de 1964 et de 1968) furent des
conférences de bilan des objectifs à mi-parcours de MINEDAF I. Les participants constatent
simplement l’échec du plan d’Addis-Abeba (UNESCO, 1968). C’est pourquoi à la quatrième
Conférence tenue en 1976, il ne s’agira plus d’améliorer l’école mais de la transformer suivant
trois idées-forces qui sont l’affirmation de l’identité culturelle par l’introduction des langues
nationales dans l’enseignement; la démocratisation de l’éducation et sa ruralisation pour rendre
celle-ci immédiatement productive pour éviter ainsi le spectre du chômage des diplômés
(UNESCO, 1976).
Avant et surtout à la suite de cette Conférence de 1976, les Etats africains entreprennent de
rénover leur éducation selon le nouveau plan dit de Lagos. Des idées nobles dirigent et
orientent le sens des réformes. Il était généralement question du retour ou du recours aux
sources africaines ancestrales; par exemple la « Ujama’a »
(ou famille africaine traditionnelle)
7
fut reprise par Julius Nyéréré dans la réforme de 1967 en Tanzanie (Nyéréré, 1967.); la
tradition culturelle des ancêtres inspire la réforme de 1979 au Burkina Faso (ex-Haute Volta).
Or, cet enthousiasme sera encore de courte durée. A la cinquième Conférence tenue en 1982,
le constat est que malgré un taux de croissance de 6% supérieur à ce qui était prévu (5,6%),
l’objectif de scolarisation de tous les enfants n’a pas été atteint et le nombre absolu
d’analphabètes n’a cessé de croître. De même certaines innovations menées ça et là restaient
décevantes (UNESCO, 1982).
Les participants à cette Conférence s’engagent cependant pour d’autres défis que sont
l’élimination de l’analphabétisme avant l’an 2000, l’amélioration de l’enseignement des
sciences et de la technologie ainsi que le renforcement du rôle de l’enseignement supérieur.
A la sixième Conférence tenue en 1991, les participants prennent acte du fait que les résultats
escomptés n’ont pas été atteints et qu’au contraire l’éducation africaine reste confrontée à
beaucoup de difficultés. En effet, la crise économique et sociale pose à l’éducation un défi en
termes de démocratisation et de pertinence. L’éducation est en passe de stagnation et de
régression, les ressources allouées au secteur de l’éducation étant en diminution tandis que les
conditions d’enseignement et d’apprentissage se sont détériorées (UNESCO, 1991 ;
UNESCO/BREDA, 1997).
La septième Conférence tenue en 1998 arrive à la conclusion aussi que l’évolution attendue ne
s’est pas produite. En effet, pour toute l’Afrique, seuls 15 pays avaient de la place pour tous les
enfants en âge d’aller à l’école : dans dix-sept pays où habitent plus de la moitié des enfants
d’Afrique, le taux brut de scolarisation a baissé; le taux d’analphabétisme concernait toujours
33% des hommes et 54% des femmes parmi les adultes en Afrique (UNESCO ,1998).
Les projets de réforme du système éducatif du Burkina Faso ont suivi cet élan observé en
Afrique. La première grande réforme entreprise au Burkina date de 1979 et elle avait tenté
d’introduire les langues nationales dans l’enseignement. Elle a voulu également ruraliser la
formation conformément aux recommandations du Plan de Lagos de 1976. Mais cette réforme
fut supprimée en 1986 par un nouveau gouvernement qui ne lui a pas reconnu de la pertinence
par rapport aux besoins éducatifs des Burkinabè. La même année, un nouveau projet de
réforme fut décidé qui ne connu pas d’aboutissement plus heureux, puisque celle-ci fut
supprimée la même année, ayant été rejetée par l’ensemble de la population.
8
Au total, on peut donc constater que de MINEDAF I en 1961 à MINEDAF VII en 1998,
l’Afrique est passée de l’optimisme des premières années d’indépendance au désenchantement
lié à la crise économique après les euphories des années 60. Les espoirs dans la mise en place
d’une école imaginée par les Africains sont chaque fois reportés à plus tard. De plus le
contexte actuel que traverse l’Afrique dans son ensemble ne semble pas laisser une place au
rêve. Les pays d’Afrique sont en effet confrontés à la démographie galopante, au poids de la
dette, à l’instabilité politique, à la chute des prix des matières premières sur le marché mondial
(UNESCO, 1995). Ces différentes raisons expliquent sans doute pourquoi en matière de
projets d’éducation, les objectifs sont devenus plus modestes comme cela se remarque à partir
de MINEDAF VI en 1991.
Dans un tel contexte de mondialisation de l’économie, y a –t-il encore de la place pour les
mythes africains des années d’indépendance dans les projets de réforme ?
Telle est la question à laquelle cette recherche ambitionne de répondre.
METHODOLOGIE
Ce chapitre est consacré d’une part à un exposé de la méthodologie utilisée et, d’autre part, à
la présentation du texte sur lequel sera faite l’analyse.
Qu’est-ce que l’analyse de contenu de manière générale et par suite, qu’est ce que l’analyse de
contenu catégorielle ?
Globalement, « L’analyse de contenu est un ensemble de techniques d’analyse des
communications »
et par communication il faut entendre « tout transport de significationd’un émetteur à un récepteur
» (Bardin, 1977). En quelque sorte, « tout ce qui est dit ou écrit
est susceptible d’être soumis à une analyse de contenu » (Bardin, 1977).La technique utilisée dans la présente étude est l’analyse de contenu catégorielle qui «
vise à
prendre en considération la totalité d’un texte pour le passer à la moulinette de la
classification et du dénombrement par fréquence de présence (ou d’absence) par item de
sens » (Bardin, 1977). Dans ce sens, l’analyse de contenu catégorielle définit des catégories de classement, c’est-à-dire « sortes de casiers ou rubriques significatives, permettant la
classification des éléments de signification constitutifs du message » (Bardin, 1977).
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L’analyse de contenu catégorielle choisit des indicateurs qui sont la présence, l’absence, la
fréquence.
La présence est la mention explicite d’une unité de comptage (le mot, la phrase, le thème, etc.).
On parlera d’absence en fonction de l’attente d’une unité de comptage qui n’apparaît pourtant
pas et la fréquence est le nombre de fois où apparaît une unité de comptage (Bardin, 1977).
Dans notre étude, l’unité de comptage est le thème, c’est-à-dire « une unité de signification
complexe, de longueur variable…Une affirmation mais aussi une allusion peuvent constituer
un thème » (D’Unrug, 1974). Le thème peut être aussi un événement, un personnage (acteur
ou actant), un objet ou un référent. Dans la présente recherche, le thème est un actant tel que
celui-ci est défini dans le schéma actantiel que postule que les personnages dans un récit donné
ont des fonctions et « par fonction, nous entendons l’action d’un personnage, définie du point
de vue de sa portée significative dans le déroulement du récit » (Propp, 1970). Ce que Proppnomme
fonction est appelé par d’autres actants (Uberfield, 1966), d’où le terme de schémaactantiel ou schéma de quête (Piret, Nizet et Bourgeois, 1996). L’actant peut être un être
surnaturel (Dieu, Eros, la Cité, etc.) ou même une abstraction (la Liberté, la Sagesse, la Foi,
etc.), un personnage collectif (le choeur antique) ou un simple individu (le Roi par exemple).
Un actant peut assumer simultanément ou successivement des fonctions différentes. Il peut être
scéniquement absent , mais sa présence textuelle peut être inscrite dans le discours d’autres
sujets de l’énonciation (Uberfield, 1966).Le schéma actantiel se présente de la manière suivante:
Destinateur Sujet Destinataire
Adjuvant Objet Opposant
Le Destinateur est celui qui destine, qui donne un Objet recherché (le Développement, la Paix,
l’Abondance matérielle ou le Bonheur moral…) à un Destinataire
(une Société donnée, ungroupe précis, un Héros…) Le
Sujet est l’acteur mandaté par le Destinateur pour conquérir
l‘Objet
de la quête au profit du Destinataire. Il a, pour l’aider, un Adjuvant qui lui signale lespièges et contre lui un
Opposant, c’est-à-dire le héros négatif dont la fonction consiste à créer
des obstacles au Sujet.
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Faire de l’analyse actantielle consiste donc à distribuer l’ensemble des personnages d’un récit
entre ces 6 fonctions. C’est de type d ‘analyse qui est appliquée sur le texte décrit ci-après.
Texte à analyser
L’analyse de contenu a porté sur un texte relatif à l’Université de Ouagadougou telle qu’elle
doit être au XXIe siècle (MESSRS et CRDI, 1998), texte issu d’une rencontre sur l’efficacité
de l’Université de Ouagadougou en 1998. Pourquoi avoir choisi ce texte ?
Une première raison est que la rencontre dont il est question a regroupé la plupart des acteurs
de l’enseignement supérieur du Burkina Faso, c’est-à-dire les responsables du ministère de
tutelle et des ministères impliqués en plus des enseignants et gestionnaires de l’université. Ils
sont par ailleurs appuyés par le Centre de Recherche sur le Développement International
(CRDI) sur le double plan technique et financier.
Une deuxième raison est que la dite rencontre est la dernière après une série d’autres
rencontres sur l’enseignement supérieur comme celle de Saria en 1988, à Bobo Dioulasso en
1992, les Etats Généraux de l’éducation en 1994, etc. Ce texte capitalise ainsi les réflexions
menées antérieurement et fait des propositions pour rendre l’Université de Ouagadougou
efficace..
La troisième tient au fait que les débats de ce séminaire évoquent pour la première fois
certaines questions jusque là ignorées ou méconnues par l’université, comme la mise en cause
des enseignants dans l’évaluation des apprentissages, l’efficacité externe de l’université,
l’implication de la société civile dans la gestion de l’université, etc.
La quatrième raison importante est que le processus de la refondation de l’Université de
Ouagadougou, entreprise depuis 2000 dans le sens de la professionnalisation des filières
d’études, suit les recommandations issues de cette rencontre.
Le texte est un document de 241 pages organisé en 7 chapitres.
Le premier chapitre fait un exposé sur l’efficacité interne de l’Université tandis que le deuxième
s’intéresse à son efficacité externe. Le troisième chapitre est consacré à la recherche utilitaire et
le quatrième a trait aux prestations de services faites par les enseignants au profit des sociétés
de la place. Le cinquième chapitre parle du financement de la recherche en Afrique et le
sixième porte sur les nouvelles technologies. Le septième tire parti de tous les autres pour dire
ce que doit être l’Université de Ouagadougou au XXIe siècle.
Le résultat de l ‘analyse est consigné dans le tableau suivant.
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RESULTATS
Les résultats de l’analyse sont livrés sous forme de tableau de six lignes, chaque ligne
représente un actant. Dans la première colonne du tableau, on a cité les principaux actants. La
deuxième colonne regroupe les sous-thèmes relatifs à chaque actant. La troisième donne en
chiffre le nombre de fois où chaque actant a été compté dans le texte. La dernière colonne se
rapporte à l’indicateur de l’absence et compare les résultats de la présente analyse avec celle
de Valléan (1989).
ACTANTS PRESENCE FREQUENCE ABSENCE
1 la mondialisation 88
2 Les institutions Destinateur internationales 12
3 La société 3
La tradition (comme
dans la réforme de
1979 au Burkina ou
de 1967 en Tanzanie
1 les étudiants efficaces 33
Destinataire 2 La société/les populations 19
3 L’Etat burkinabè 5
Les populations
pauvres des zones
rurales
1 L’efficacité dans l’université du
XXIe siècle :
. interne
. externe
175
. 47
. 128
Objet
2 le développement
L’affirmation de
l’identité culturelle et
l’indépendance
politique (comme
dans toutes les
réformes antérieures)
1 Université de Ouagadougou
personnifiée
51
2 Les enseignants-chercheurs de
l’Université
18
3 Le CRDI 3
Sujet
4 L’Etat
1 Le politique, l’idéologue
La population comme acteur
12
1 Réformes
. administratives
. pédagogiques
. sociales
118
. 51
. 57
. 34
2 La coopération nationale et
internationale
98
3 L’expertise nationale et
internationale
66
4 Les moyens matériels 62
5 les NTIC 55
6 l’Etat burkinabè 29
Adjuvant
7 la mondialisation 2
L’identité culturelle à
travers les langues
nationale
La réforme politique
(socialisme africain,
révolution)
1 Insuffisance matérielles et humaines
112
2 Problèmes d’organisation et de
gestion
59
3 Difficultés liées aux approches
pédagogiques et aux effectifs
73
4 Problèmes de partenariat 78
5 la mondialisation 22
Opposant
6 l’Etat burkinabè 7
L’opposition Noirs-
Blancs
DISCUSSION DES RESULTATS
La discussion des résultats se fera en deux temps. Dans un premier temps, la comparaison se
fera actant par actant et, dans un deuxième temps, on procédera par groupe d’actants.
On constate qu’il y a , en termes de présence, 3 Destinateur que sont la mondialisation, les
institutions internationales et la société burkinabè (de façon indivise). Dans le texte de 1998
soumis à l’analyse, ce sont ces trois actants qui déterminent les règles du jeu du changement à
adopter pour l’Université de Ouagadougou du XXIe siècle. Ce n’est plus la Tradition des
ancêtres (comme dans les réformes antérieures ) qui inspire les actions et les attitudes. Il n’y a
plus de référence à la société et au modèle traditionnel.
La société est devenue ici la voix
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anonyme, c’est-à-dire l’approbation ou la désapprobation populaires que sont les utilisateurs
des diplômés et l’opinion nationale. Le modèle marxiste ou la révolution (réforme de 1986 au
Burkina Faso) a aussi disparu.
Sous l’angle de la fréquence, c’est la mondialisation (citée 88 fois) qui est le prescripteur de
la réforme alors que cette mondialisation est décrite comme gommant les identités locales au
profit de la pensée unique, laquelle instaure « une culture de la compétition à l’université »
avec ses règles que sont la concurrence acharnée et l’efficacité dans le cadre du village
planétaire (MESSRS et CRDI, 1998). L’importance accordée à la mondialisation se renforce
quand on considère les autres actants.
Le Destinataire, c’est-à-dire le bénéficiaire de la réforme envisagée, sont au nombre de trois
dans le texte de 1998. Le premier bénéficiaire est constitué par les étudiants à condition qu’ils
sont efficace et compétitifs pour devenir « citoyens du monde » (MESSRS et CRDI, 1998 :
154), c’est-à-dire « stratèges économistes
», « gestionnaires les plus efficaces » (MESSRS etCRDI, 1998 : 151), «
ayant un sens du business » (MESSRS et CRDI, 1998 : 153), qui « sont
plus autonomes, prennent davantage d’initiative pour résoudre des problèmes, s’adaptent
plus facilement à l’évolution des circonstances… » (MESSRS et CRDI, 1998 : 163). La
société est aussi bénéficiaire mais c’est la société indéterminée, indivise qui se confond
quelquefois avec l’Etat. Dans les précédentes réformes, le bénéficiaire était avant tout les
populations des zones rurales grâce à la promotion collective et au développement prioritaire
des zones de campagnes (réforme de 1967 en Tanzanie, réforme de 1979 au Burkina). On ne
retrouve plus les idées généreuses des années 70 (Coombs, 1985) mais le discours impitoyable
« rude, voire féroce » (MESSRS et CRDI, 1998 : 151) de la compétition et de la concurrenceimparfaite imposée aux Etats et aux individus sommés de savoir « vendre » et « se vendre »
(MESSRS et CRDI, 1998 : 149).
L’Objet de la quête qui est l’efficacité de l’Université de Ouagadougou du XXIe siècle (citée
175 fois) a varié. Dans les réformes analysées en 1989, il s’agissait de passer par l’Ecole
Nouvelle pour renouer avec le passé ancestral (ce fut le rôle de la Ujama’a, ou famille
traditionnelle, dans la réforme de 1967 en Tanzanie), condition d’une efficacité économique
(Ecole productive) et politique (indépendance politique). L’objet était essentiellement une
quête collective de nature à la fois politique , culturelle et économique. Mais le culturel
dominait le reste. Dans le texte de 1998, il est question de jouer aux règles de l’avenir pour
s’insérer dans « le village planétaire
» (MESSRS et CRDI, 1998 : 150). Ces règles sont avant
14
tout économiques ; il s’agit d’être compétitif, stratège, efficace. La mondialisation est venue
pour « la fin des idéologies » et « la chute de la société comme modèle d’ordre et
d’intégration », « dans l’économie mondiale qui est en train de naître
» (MESSRS et CRDI,
1998 :151 et 154).
Le Sujet de la réforme est avant tout l’Université de Ouagadougou, entendue au sens d’une
institution dispensatrice de compétences, lieu de la connaissance scientifique personnifiée. Les
enseignants-chercheurs, à travers les activités d’enseignement, de recherche et de prestation de
service, accompagnés par des institutions comme le CRDI, sont les principaux acteurs de la
réforme attendue. Ce qu’on remarque, c’est que le sujet est avant tout un expert, détenteur de
compétences attestée. Ce fait contraste avec les sujets des réformes précédentes qui étaient
avant tout des politiques, des idéologues visionnaires au service d’une cause nationale, motif
de la quête. Ils agissaient comme leaders politiques (la réforme de 1967 en Tanzanie suivait les
idées-guides de Nyéréré, président de la Tanzanie à cette époque ; la réforme de 1986 au
Burkina était inspirée par le gouvernement révolutionnaire de Thomas Sankara, etc.). A
l’opposée, le sujet de 1998 est d’abord un technocrate, cherchant à inventer, innover, imaginer
des solutions inédites (MESSRS et CRDI, 1998 : 163). Des mots comme nouveau, inédit,
original, inventer, imaginer, etc., sont répétés 36 fois dans le texte.
L’Adjuvant, celui qui aide le sujet dans sa quête, était, dans les textes analysés en 1989,
l’interprète d’une idéologie qui faisait de lui un indicateur, un guide montrant la voie à son
peuple. Il remplissait sa mission de guide à travers le plus souvent un organe politique (le
renouveau National en 1979 au Burkina, Le TANU en 1967 en Tanzanie). Dans le texte de
1998, l’aide est plutôt technique et matérielle et dépend d’une volonté de réforme qui mettrait
l’université sur la ligne de départ de la conquête et de la compétition. Le succès de la réforme
dépend alors des enseignants, de la coopération nationale et internationale, des Nouvelles
Technologies de l’Information et de la Communication envisagées comme des instruments de
la mondialisation et qui créent pour l’université « comme une opportunité », « une solution àcertains problèmes internes » (MESSRS et CRDI, 1998 : 151). L’aide espérée est donc
intellectuelle et matérielle et non plus idéologique.
Dans les textes de 1998, l’Opposant
est surtout matérielle, organisationnelle et pédagogique à
travers « la cécité des enseignants »(MESSRS et CRDI, 1998 : 11). La mondialisation est elle15
même interprétée comme étant un contexte difficile imposant des mesures d’austérité comme
les PAS et les dévaluations des monnaies (MESSRS et CRDI, 1998 : 151). Cette
mondialisation défavorise les petits Etats comme le Burkina à travers la concurrence imparfaite
féroce du jeu économique qui n’est autre qu’une forme déguisée de la guerre militaire car « lesstratèges militaires sont remplacés par des stratèges économistes » dans le cadre de cette
mondialisation (MESSRS et CRDI, 1998 : 151). La conséquence, c’est la marginalisation des
pays pauvres. La plupart des Etats se trouvent dès lors dans l’incapacité de faire face aux
besoins de leurs peuples. Par exemple, le manque de perspective imposé par la mondialisation
contraint les étudiants à négliger le travail universitaire au profit des grèves et des fraudes aux
examens.
Cette première partie de l’analyse, actant par actant, fait bien ressortir l’importance de la
mondialisation dans le texte de 1998 qui agit désormais comme principe fondateur
(Destinateur) des projets d’éducation et de société. La mondialisation est aussi Adjuvant en
tant que opportunité à travers notamment les NTIC mais aussi Opposant à travers la
concurrence imparfaite. L’importance accordée à la mondialisation se renforce quand on fait
une analyse par groupe d’actant et par axe de sens.
L’axe Destinateur Destinataire est appelé dans le schéma actantiel l’axe idéologique. Il
indique à qui , idéalement, devraient revenir les biens matériels ou immatériels disponibles ou à
produire dans une société. Ainsi, dans le texte de 1998, on constate, en termes de fréquence,
que la mondialisation (88 fois répétée comme Destinateur) destine en priorité la réussite
représentée par l’efficacité dans l’université du XXIe siècle, à l’étudiant efficace, stratège,
technocrate, compétitif (cité 175 fois). Ainsi, le principe fondateur (la mondialisation), son
Objet et son Destinataire idéal ont d’abord des attributs économiques. Dans les textes analysés
en 1989, le Destinataire idéal était la population et surtout la population déshéritée des zones
rurales (réforme de 1979 , réforme de la Tanzanie en 1967).
L’axe Opposant-Adjuvant est, dans le schéma actantiel, celui de la lutte et il indique la nature
des forces en conflit dans une société. Dans le texte de 1998, l’Opposant est surtout d’ordre
matériel et l’Adjuvant d’ordre organisationnel. Cela revient à penser que les problèmes de
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l’Université de Ouagadougou relèvent de la pauvreté économique d’abord. Dans les textes
analysés en 1989, l’axe Opposant-Adjuvant est animé par le couple Noir-Blanc. C’était donc
un problème de personne et de système, de politique et de culture.
L’axe Sujet-Objet est celui de la quête. Il indique qui est idéalement mandaté pour procurer à
une société ce dont elle a besoin. Dans ce sens, l’axe Sujet-Objet est aussi celui du pouvoir
dans la mesure où le Sujet mandaté reçoit une délégation de pouvoir qu’il exerce au nom du
Destinateur. Dans le texte de 1998, le Sujet est d’abord un expert (l’université dispensatrice de
savoir, les enseignants-chercheurs pour leurs compétences scientifiques). L’Objet recherché,
l’efficacité, est lui aussi du même ordre et comprend des capacités comme la créativité, la
compétitivité, « la manipulation des symboles » (MESSRS et CRDI, 1998 :151-152). Ces
capacités dressent le portrait-robot d’un économiste technocrate . Dans les réformes
antérieures, le Sujet était d’abord un idéologue et l’Objet recherché était idéologique.
CONCLUSION
Le Socialisme africain, la culture traditionnelle ou la révolution de type marxiste ont constitué
un moment les échelles de valeurs où les idéologues-guides africains allaient puiser inspiration
et légitimité pour refaire l’école. Désormais, la mondialisation surdétermine tout. Or, cette
mondialisation est d’essence économiste et « marque la fin des idéologies » (MESSRS et
CRDI, 1998 : 151). La générosité des premières réformes fait place à la concurrence déloyale
impitoyable du contexte de la mondialisation.
A l’analyse comparée des discours issus des textes d’avant 1989 et de celui de 1998, il ressort
l’impression d’une dérive économiste où les hommes pourraient devenir des jouets de forces
extérieures au nom des principes économiques.
En effet, l’efficacité qui est l’objet principal de l’université du XXIe siècle est un concept
propulsé par les experts de la Banque Mondiale selon Sall (1996 : 93). Or, l’efficacité est une
affaire de technocrates et de comptables (Cazalis, 1988 : 17-18) de gestionnaires froids et non
d’idéologues et de rêveurs (MESSRS et CRDI, 1998 : 151-152).
il est à remarquer que l’Afrique semble perdue dans le contexte de la Mondialisation. Elle ne
sait plus contre qui lutter. La Mondialisation est perçue à la fois comme une chance grâce aux
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perspectives nouvelles qu’elle ouvre à travers les NTIC et comme un défi à travers les
programmes d’austérité que sont la dévaluation des monnaies locales et les politiques
d’ajustement structurel dont les bilans restent mitigés (ACCT, 1992 : 47-48).
Une remarque a trait aux silences du texte de 1998 sur les exigences sociales exprimées tout
autant par la Banque Mondiale à travers le concept d’équité défini en rapport avec la façon
dont les avantages des investissements éducatifs sont redistribués entre les différents membres
de la société (Psacharopoulos et Woodhall, 1988 : 259-300; Sall et De Ketele, 1997 : 132-
138). Le texte semble ainsi pousser trop loin dans le sens d’une Mondialisation comme pensée
unique irrésistible (MESSRS et CRDI, 1998 : 152) alors que la Banque Mondiale insiste de
plus en plus sur la Localisation comme autre dynamique contraire à la Mondialisation et qui
représente l’aspiration des peuples à l’autonomie et à la spécificité (Banque Mondiale, 2000 :
33). Le Burkina Faso et partant l’Afrique gagneraient t-ils donc à abandonner leurs idéologies
et sleur spécificité au profit de la pensée unique du monde qui vient ?
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